Poro, roi des Indes gravé par Versailles
Tout comme pour l’enregistrement autrefois dirigé par Fabio Biondi en 1994, la distribution réunie sur cet album ne répond que partiellement aux exigences vocales de la partition.
Elle est ainsi très nettement dominée par les deux contreténors, à commencer par l’Américain Christopher Lowrey (dans le rôle-titre), lequel maîtrise parfaitement tous les enjeux psychologiques de son personnage dévoré par une jalousie maladive. La voix est d’un beau métal, même si elle est plus faible dans le bas de la tessiture, et la technique particulièrement accomplie permet à l’interprète de triompher de tous les pièges vocaux de la partition.
Dans le rôle de Gandarte, personnage masculin conçu par Haendel pour une interprète féminine, le Français Paul-Antoine Bénos-Djian, qui n’a lui aucun problème avec le grave, est absolument irréprochable dans une partie certes moins problématique en termes de difficultés vocales. Le timbre chaud et vibrant s’y déploie avec plénitude et solarité.
Dans le très court rôle de Timagene, personnage à qui Haendel n’a donné que des récitatifs, la basse Alessandro Ravasio (Timagene) allie la qualité de sa diction et les belles couleurs dorées de son instrument. La soprano Lucía Martín-Cartón (Cleofide) maîtrise toutes les difficultés techniques de sa partition. La voix est cependant trop légère pour un grand rôle haendélien, et l’aigu n’est pas dépourvu de stridences. De la mezzo Giuseppina Bridelli (Erissena), l'auditeur retiendra surtout le caractère sincère et emporté de la déclamation, le timbre d’une certaine noirceur n’étant pas sans une certaine raucité peut-être concevable dans les rôles de caractère de l’opéra du dix-septième siècle mais assez inattendue chez Haendel.
Le même reproche peut être fait, mais de façon encore plus appuyée, au ténor Marco Angioloni en Alessandro. La qualité de la diction et la sincérité de l’engagement dramatique ne parviennent pas à masquer les difficultés à tenir la ligne vocale et le manque criant d’aigus. Cet artiste excelle par ailleurs dans certains rôles de caractère, mais les moyens font défaut pour se mesurer à l’un des premiers grands rôles héroïques conçus pour la voix de ténor.
D'autant que sa prestation en tant que chef d'orchestre n'attirera certainement que compliments en revanche, tant il sait trouver, à la tête de l’ensemble Il Groviglio, tous les accents qui parviennent à dynamiser une partition riche et originale, trop rarement entendue et précieusement enregistrée.