Così fa Minkowski
Pour l’ouverture de sa saison musicale, le Théâtre des Champs-Élysées s’est refait une beauté en ornant l’arrière-scène de plusieurs structures en bois. C’est en fait un nouveau dispositif acoustique élaboré par un architecte, un acousticien et un scénographe (Philippe Maffre, Federico Cruz-Barney, Félix Lefebvre) réalisé par l’Atelier Devineau.
️ Così, c'est parti ! Quel plaisir d'entendre résonner en répétitions les premières notes de la saison : Mozart, Così fan tutte À demain !https://t.co/wMJ7SsI0nG pic.twitter.com/hEnwK3dHjt
— Théâtre des Champs-Elysées (@TCEOPERA) 23 septembre 2024
L’objectif premier est d’améliorer le confort d’écoute des musiciens sur scène, ce qui, dans un deuxième temps, a une répercussion sur le son en salle. Ces panneaux sont modulables en fonction de l’effectif instrumental et vocal en présence.
Galvanisé par ces deux évènements (ouverture et inauguration), Marc Minkowski entraîne vivement ses troupes dans Così fan tutte de Mozart, et ce, dès l’ouverture. Les cordes se font alertes et puissantes, les bois tourbillonnants et précis (malgré quelques dérapages du cor dans l’air « Per pietà ») : les instrumentistes répondent aux sollicitations du chef dans une grande expertise.
Le livret de da Ponte, une comédie douce-amère questionnant la fidélité et l’amour, dévoile des situations de chassés-croisés amoureux comme autant de possibilités combinatoires pour les chanteurs (solos, duos, trios…). Bien que l’opéra soit présenté en version concert, les solistes investissent théâtralement leur rôle avec bonheur, encore imprégnés de la production de la trilogie Mozart-da Ponte donnée l’an dernier par cette même équipe (à un Guglielmo près).
La soprano Ana Maria Labin assume avec aisance les airs redoutables de Fiordiligi. Sa voix, dotée d’un vibrato rapide, épouse les phrasés dans une souplesse exemplaire. Si elle interprète sans sourciller « Come scoglio », sa projection et sa puissance retenues amenuisent quelque peu l’expression grandiloquente de l’amoureuse outragée. Bien que son registre de poitrine soit peu sonore, elle ne fait qu’une bouchée des grands intervalles de « per pietà, ben mio, perdona », se soumettant humblement aux désirs qui l’assaillent.
La mezzo-soprano Angela Brower connaît parfaitement le rôle de Dorabella, l’ayant également chanté à l’Opéra de Paris en juin dernier. Son timbre rutilant aux graves accrochés met en valeur toute la sensualité du personnage qui succombe la première aux avances appuyées de Guglielmo. Son désir se libère ainsi que sa voix et ses aigus dans le réjouissant « È amore un ladroncello ».
Qui ne succomberait pas aux résonances envoutantes de Leon Košavić en Guglielmo ? Sa voix est aussi assurée que son statut d’officier et son jeu comique réjouit. Il projette le « Donne mie, la fate a tanti » avec panache, faisant ressortir le côté hâbleur du personnage.
Le ténor James Ley interprète Ferrando dans un registre plus sentimental que son comparse. Sa voix délicate épouse les contours dans « Un’ aura amorosa » avec une homogénéité remarquée. Si son accroche assurée lui permet d’assumer les envolées lyriques, son jeu semble plus emprunté et ses emportements amoureux quelque peu maladroits.
Miriam Albano incarne Despina dans une théâtralité bondissante et une répartie comique qui n’échappe pas à l’auditoire. Sa voix est agile et homogène mais manque cependant de brillant pour incarner ce personnage déluré. L’évocation des pouvoirs de la pierre de Mesmer lorsqu’elle revêt l’habit de docteur lui déclenche un aigu savamment projeté et, en notaire, elle amuse en prenant une voix nasillarde à souhait.
Alexandre Duhamel se montre très à son aise pour incarner le roublard Alfonso. Sa voix de baryton percute dans les récitatifs, et l’auditoire ne perd ainsi pas une miette de ses manigances. Cependant lorsqu’il veut donner du volume, le timbre se matifie et fait entendre une déperdition d’air.
Le premier spectateur à apprécier la performance des solistes est Marc Minkowski lui-même qui semble beaucoup s’amuser à les écouter dans les récitatifs. Il est également pris à parti lorsque les chanteurs lui confient leurs apartés et il les congratule d’applaudissements et de baise-main.
À l’issue de la soirée, les musiciens échangeront certainement au sujet du nouveau dispositif acoustique. Le public habitué du théâtre, lui, peut déjà constater que le son semble se doter d’un certain liant atténuant une impression de sec qui pouvait exister. D'autant, qu'en salle, l’acoustique porte haut et fort les acclamations et les applaudissements.
2️4️-2️5️ entamé de la plus belle des manières avec un #Cosí flamboyant @minkowski_marc & @mdlgrenoble avec Ana Maria Labin, @angela_brower, James Ley, Leon Košavić, Miriam Albano et @duhamelbaritone pic.twitter.com/AEWPy9bmSV
— Théâtre des Champs-Elysées (@TCEOPERA) 25 septembre 2024