Danse avec Purcell à la Salle Cortot
Le parti pris de la soirée sera théâtral, le ton en est donné dès le début du concert. Après une ouverture orchestrale, le ténor surgit du fond de la scène tel un buveur bien éméché sortant de la taverne. Jeffrey Thompson excelle dans ce rôle, aussi bien vocalement que théâtralement. Son chant est quelque peu outré, tantôt appuyé tantôt murmuré, tandis que son jeu très physique et son visage grimaçant évoquent les personnages de la Comedia dell’arte. Il est soutenu par le continuo formé d'un clavecin, un théorbe et une viole de gambe (instruments qui figuraient à l’époque sur scène avec les chanteurs/acteurs, comme nous l’explique le chef et flûtiste Alexis Kossenko au milieu de la première partie).
Jeffrey Thompson (© DR)
Purcell n’a composé qu’un seul véritable opéra : Didon et Enée, mais il a consacré une part importante de son œuvre à des semi-opéras, un genre spécifiquement anglais du XVIIe siècle, constitué d’une pièce de théâtre agrémentée de longs passages musicaux. Le Roi Arthur [retrouvez à ce lien notre compte-rendu de sa récente production versaillaise] est un exemple de cette forme. Le compositeur a également produit de nombreux songs, odes, anthems. Si l’exubérance théâtrale de Jeffrey Thompson sied parfaitement à certaines de ces pièces, elle peut être gênante quand il interprète des pièces plus intimes (Stay silly heart de Nicholas Lanier) ou de style plus contemplatif (Fairest isle, extrait de King Arthur).
Les Ambassadeurs (© Sanja Harris)
La musique théâtrale de Purcell peut également être instrumentale, et l’ensemble Les Ambassadeurs l’interprète avec brio. L’orchestre de l’époque de Purcell, avec ses vingt-quatre violons (ce soir ils sont quatre, avec deux altos et trois basses de violon) est à l’image de ce qui existait en France à Versailles. Alexis Kossenko, par sa direction, sait conjuguer précision, virtuosité avec plaisir et convivialité. Les couleurs orchestrales très variées mettent en valeur la fantaisie et la personnalité unique de Purcell. Excellent flûtiste, Alexis Kossenko passe de la direction à son instrument de façon très naturelle, d’un style savant à un style plus populaire de danse et de contredanse anglaise, qui n’est pas sans évoquer la musique traditionnelle irlandaise. Les instrumentistes n’hésitent pas à se transformer en chanteurs et se joignent avec beaucoup d’humour au ténor dans la chanson à boire extraite de King Arthur, ce qui ne laisse pas de ravir le public enthousiaste.
Alexis Kossenko (© Philippe Genestier)