Nisi Dominus à Sablé : le prêtre roux en fil rouge
Pour son troisième concert du soir, le Festival de Sablé invite Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre pour un programme sacré dans l’église de la ville. Cette soirée semble faire converger plusieurs fils rouges du festival : la procession par laquelle entre l’ensemble rappelle le programme Carmina latina donné en ouverture, l’hommage à Vivaldi (le fameux "prêtre roux") résonne comme un écho à l’ensemble Gli Incogniti présent la veille, la mise à l’honneur de la musique sacrée reste dans la lignée du spectacle de l’ensemble De Caelis du matin même, quand le violoncelle tenu en bandoulière pour cheminer dans l’église semble être un clin d’œil à la viola da spalla que le Festival aura mis à l’honneur.
Le programme proposé célèbre les processions vénitiennes du XVIIIe siècle, menant le peuple jusque dans les églises au seuil desquelles la musique contemplative remplaçait les élans festifs et populaires. C’est donc au fond de l’église Notre-Dame de Sablé-sur-Sarthe et a capella que démarre la soirée par un premier Nisi Dominus (« Si l’Éternel ») d’un compositeur anonyme, avant que l’ensemble des musiciens du Poème Harmonique ne défile dans la nef, avec leur chef Vincent Dumestre à leur tête, guitare en main. Arrivés dans le chœur, ils se figent et laissent résonner deux violons, placés chacun dans un transept. Ces deux violons viennent alors rejoindre la soprano Marie Théoleyre et la mezzo-soprano Eva Zaïcik. Les configurations évoluent ainsi à chaque pièce dans un enchainement constant jusqu’au fameux Nisi Dominus de Vivaldi, qui donne son nom au programme.
Eva Zaïcik, qui interprète cette pièce, s’appuie sur une voix souple et large au vibrato tout en rondeur, pour tirer pleinement parti des réverbérations de l’église. Son ancrage dans le medium lui permet d’exploiter au mieux ses résonateurs. Ses vocalises sont précises et bien découpées, dans un phrasé délicat : chaque note est déposée comme si elle était d’une fragilité extrême. Dans ce répertoire de musique religieuse, elle conserve un sens du récit qui permet notamment à ses récitatifs de garder une certaine théâtralité.
Marie Théoleyre porte une voix solide au duvet rougeoyant. Parmi les deux ténors, la voix d’Hugues Primard s’ancre dans l’aigu, avec raffinement, tandis que celle de Serge Goubioud, plus affirmée, manque parfois de stabilité. Igor Bouin dispose quant à lui d’un baryton très clair et léger. À eux trois, ils forment un trio bien assorti, au son homogène, chacun restant constamment attentif au chant des deux autres.
Vincent Dumestre dirige son ensemble d’une gestique sèche, précise et minimaliste. Les violons et altos jouent debout, ce qui leur permet une interprétation dynamique.
Une fois l’ensemble reparti en procession, le sourire aux lèvres, le public le remercie d’applaudissements chaleureux émaillés de « bravo ! » sonores.