Méditations avec De Caelis à Sablé
Le troisième jour du Festival de Sablé démarre dès le matin par un concert de musique sacrée dédié à Hildegard von Bingen (en alternance avec des musiques vocales anonymes), une moniale allemande du XIIe siècle canonisée en 2012 et qui, en plus de ses travaux théologiques, développa une activité de poétesse et de compositrice. Hommage lui est ainsi rendu à la Chapelle Notre-Dame-du-Chêne de Vion, jolie église qui tire son nom d’un arbre au sommet duquel la vierge apparut à des bergers : une petite statue mariale fut alors déposée dans un creux du tronc en 1494. Cette petite statue est toujours visible dans l’église, comme le rappelle l’hôte du lieu, Frère Fabien, qui lui confie ce concert avec un accent allemand particulièrement chantant : « Les yeux sont la fenêtre de l’âme. J’espère qu’après ce concert, vos yeux brilleront », dit-il en mot d’accueil.
L’ensemble vocal pour voix de femmes De Caelis officie ce matin sous la direction de sa fondatrice Laurence Brisset. Cette dernière modèle les attaques, mais sa battue semble ensuite n’avoir qu’un impact limité sur l’interprétation des quatre chanteuses, qui façonnent d’abord leur chant a cappella et tissent l’enchevêtrement de leurs lignes vocales sur une écoute mutuelle (ce qui n’empêche cependant pas quelques écarts rythmiques). Dès qu’elles unissent leurs voix, elles produisent un ensemble solaire, propice à la méditation. Elles apportent un soin particulier à leur diction, chaque son étant formé avec grande attention. Chacune à son tour, elles accompagnent leur chant de quelques notes de crotales rythmant les antiennes. L’apport de Laurence Brisset est en revanche prépondérant dès qu’elle actionne son organetto, au son élégiaque. Cet instrument médiéval, entre orgue de poche et flûte de pan géante, fonctionne grâce à un soufflet actionné de la main gauche et un clavier joué de la droite.
Claire Trouilloud est la première à se présenter dans un passage soliste, de sa voix large aux aigus ardents (mais aux graves plus fragiles). Hélène Richer dispose d’une voix plus fine au timbre acidulé et lumineux, mais qui porte tout autant. Elle accorde une attention particulière aux nuances qui restent toujours particulièrement soignées. Clara Pertuy expose une voix gorgée d’air, ce qui apporte à son timbre une douceur bienvenue. Ses phrasés effilés bénéficient de délicates enluminures vocales. Elle garde en permanence une attitude pénétrée, qui apporte à son chant une profondeur toute particulière. La voix de Caroline Tarrit est ancrée dans les graves, ce qui lui confère un timbre assez doux, et se fragilise lorsqu’elle monte dans l’aigu sous l’action d’un vibrato rapide.
Le public offre aux chanteuses une belle écoute, recueillie, tout au long du concert, ménageant des temps de silence entre les morceaux pour laisser les réverbérations des voix s’épanouir sous les voûtes de la Chapelle. Mais dès la fin du programme, après un « court » (mais pas « petit », précise Laurence Brisset) bis, les applaudissements résonnent sans retenue. Le public curieux se presse alors autour de l’organetto pour le découvrir de plus près (quelques heures après sa rencontre avec le violoncelle d’épaule).