Les Surprises du Festival du Haut Limousin
L’ensemble Les Surprises pose ses partitions pour une intense journée au Dorat, dans le cadre du Festival du Haut Limousin organisé par la Ferme de Villefavard. Trois évènements sont programmés au fil de la journée : une déambulation dans les rues de la ville à la rencontre des habitants, avec des incursions surprises dans les commerces locaux, puis un concert destiné aux enfants (et animé avec pédagogie par la violiste Juliette Guignard) dans la Collégiale du village, avant une procession nocturne offrant quatre courts concerts dans quatre lieux intimistes différents.
Le public, muni de lanternes, est divisé en trois groupes, qui verront les trois premiers concerts dans des ordres différents avant de se retrouver pour clôturer la soirée. À la Chapelle Notre Dame du Temple, les groupes sont accueillis par la soprano Eugénie Lefebvre et Louis-Noël Bestion de Camboulas, Fondateur de l’ensemble Les Surprises, au piano. Le lieu, qui accueille une exposition de Katja Van Den Enden, offre une exceptionnelle intimité, les spectateurs se tenant à moins de deux mètres des interprètes. Le programme présenté est principalement français, balayant Fauré, Satie, Hahn et Ravel.
La soprano Eugénie Lefebvre joue le texte chanté, quelle qu’en soit la langue (ce qui lui permet de capter l’attention des enfants durant le concert de l’après-midi). Elle maîtrise d’ailleurs les différents styles abordés, adaptant son interprétation en permanence. Sa voix, vibrée avec légèreté, est ancrée dans le médium et est émise avec largesse. Dans le répertoire français, elle génère par ses intonations et ses phrasés allongés une douce mélancolie. Vif et chantant au clavecin, cérémonieux à l’orgue et plus feutré au piano, Louis-Noël Bestion de Camboulas y égraine les notes de la 1ère Gymnopédie de Satie comme une larme qui coule, émaillée du léger grincement de la pédale du piano.
À quelques encablures, Gabriel Rignol et son théorbe accueillent les spectateurs à la Chapelle du couvent des sœurs de Marie Joseph et de la Miséricorde. Il y interprète avec douceur du Kapsberger, du De Visée et le célèbre prélude en sol majeur de Bach. Dans l’un de ces moments durant lesquels le temps se dilate, il fait courir ses doigts sur les 14 cordes de son théorbe dont les notes s’écoulent avec fluidité. Les yeux fermés, il crée une ambiance méditative, portée par l’atmosphère lourde et humide imposée par la météo.
Juliette Guignard présente quant à elle ses violes de gambe au Cloître du Carmel. Avec sa viole basse, elle joue d’abord du Demachy, puis présente un dessus de viole (qui a la tessiture d’un violon) pour mettre en lien le passé, avec Karl Friedrich Abel, et le moderne avec John Cage. Elle fait d’abord crisser son archet sur les cordes pour lui donner un allant percussif, dans un corps à corps presque dansant avec son instrument, produisant un son chaud et profond. Elle marque alors par sa respiration les inflexions de son interprétation. Puis, une fois le dessus de viole dans les mains, son archet navigue avec fluidité, modulant les ambiances jusqu’à créer un suspens presque cinématographique chez Cage.
Enfin, les quatre artistes, habillés de noir et de blanc, attendent l’ensemble des spectateurs dans la Collégiale du Dorat, recréant dans ce lieu gigantesque une ambiance intimiste, au bout de la nef. Après y avoir chanté en anglais (Eccles, Purcell), français et espagnol l’après-midi même, les quatre musiciens y interprètent de l’italien (Merula), puis de nouveau du français (Couperin, Lully, Marais) et de l’espagnol (de Torrejón y Velasco, Soler et Murcia, Durón).
Alors que la chaleur avait marqué le concert de l’après-midi et la pluie menacé la déambulation du soir, c’est un ciel étoilé qui accueille le public ravi à la sortie du spectacle. Une belle Surprise !