La Vie Parisienne en mode Salut les Copains à Soustons
La soirée a bien failli être gâchée par de sérieux problèmes de sonorisation et de micros défectueux, et à l’entracte, le public soustonnais n’était que moyennement convaincu par cette lecture nouvelle et audacieuse de La Vie Parisienne. En effet, produite par Opéra Éclaté, c’est une version comédie musicale qui s’offre aux spectateurs, dans une nouvelle orchestration réalisée par le tromboniste François Michels. Avec un piano, un violon, une clarinette, un saxophone ténor, une trompette, un trombone, une guitare et une batterie, l’instrumentarium d’Offenbach est ici méconnaissable et surtout nécessite une sonorisation des instruments et des chanteurs pour obtenir un équilibre des sons. Sauf qu’ici, au Centre Culturel Roger Hanin de Soustons, point de fosse pour atténuer la sonorité de l’ensemble, surtout celle de la batterie, qui rend souvent toute compréhension du texte (parlé ou chanté) impossible. Et c’est fort dommage, car l'œuvre est servie par une troupe enthousiaste, énergique et pleine de talent. Heureusement, la deuxième partie du spectacle relève le niveau et les spectateurs peuvent enfin se détendre et apprécier les artistes à leur juste valeur.
Dans un décor de tournage télévisuel des années 1960 aux couleurs de l’ORTF, se rencontrent toutes sortes de personnages facilement reconnaissables, appartenant tous à l’imaginaire de l’époque : Rabbi Jacob, Le Gendarme de Saint-Tropez, Sylvie Vartan, et autres France Gall ou Sheila. Un véritable défilé tout en couleur, dans les riches costumes et décors de David Belugou, qui est même allé jusqu’à reproduire les tenues des Demoiselles de Rochefort ! L’orchestre se transforme en véritable groupe de plateau télé avec costumes blancs et nœuds papillons. Enthousiastes et joyeux, les instrumentistes sont dirigés depuis le piano par Gaspard Brécourt, qui fait face avec brio aux difficultés liées à la position des musiciens en fond de scène, notamment lorsque les chanteurs sont cachés par les décors. Les metteurs en scène (Benjamin Moreau et Olivier Desbordes), non contents d’avoir adapté les textes parlés aux circonstances, sont même allés plus loin, et un véritable caméraman (dont le jeu d’acteur reste à travailler) filme la scène, dont les images sont retransmises en instantané sur deux écrans de chaque côté du plateau. Malheureusement, les changements de décors trop nombreux pendant les scènes ajoutent parfois à l’incompréhension du texte et à la confusion du spectateur. Toutefois, les chorégraphies relevées et réjouissantes de Fanny Aguado apportent légèreté et bonne humeur à l’ensemble.
La distribution dans son ensemble mérite les applaudissements soutenus reçus tout au long et à la fin du spectacle, à commencer par Alfred Bironien (Raoul de Gardefeu), à la voix sonore et timbrée, qui sait adapter subtilement les nuances au chant avec micro. Sa fougue et son énergie sont un rayon de soleil dans toute la première partie du spectacle. Le duo qu’il forme avec Grégory Juppin (Bobinet) est un bel exemple de camaraderie et d’alchimie scénique. Celui-ci, de sa voix claire et radiophonique, sait mener la deuxième partie vers des cieux plus cléments. Christophe Lacassagne, quant à lui, est un baron de Gondremarck devenu rockeur, entre Johnny Hallyday et Eddy Mitchell. Sa voix de stentor, chaude et sensuelle, glisse très facilement vers un style « variété » qui sied à ravir au baryton. Thierry Jennaud en Cloclo sur-vitaminé réussit son imitation vocale (et dansée !). Il est tout aussi convaincu lorsqu’il n’est « que » le Brésilien, bien que son accent forcé empêche la compréhension du texte dans son air, ce qui ne gâche rien à son talent vocal et scénique. Pour terminer avec le casting masculin, Lionel Muzin est plus que réjouissant en Frick le bottier devenu Louis de Funès, mais son micro en panne gâche plusieurs de ses interventions, sans pour autant atténuer son engagement réel et son potentiel comique plus qu’évident, ni occulter totalement ses visibles qualités vocales.
Du côté des femmes, Morgane Bertrand (Gabrielle et la gantière) offre une présence et une voix ravissant l'assistance : montrant un vrai talent pour la danse et un talent pour la comédie indéniable, elle illumine chacune de ses interventions de sa voix ronde et veloutée. Nathalie Schaaff, en Metella, est plus que convaincue, et surtout très émouvante dans ses deux airs, prenant des allures de Piaf sans tomber dans la caricature. Elle maîtrise avec beaucoup d’aplomb le registre de poitrine sans forcer, avec juste assez de lyrisme pour ne pas faire défaut au rôle. La Baronne d’Anandha Seethanen navigue aisément entre les registres lyrique et variété, la chanteuse faisant preuve d’un timbre de mezzo-soprano, plus Broadway que d’opéra. Lucile Verbizier (Pauline) mérite une mention spéciale pour son incarnation d’une Mireille Mathieu déjantée, servie par une voix lyrique rayonnant et nullement amoindrie par l’accent sudiste de la célèbre chanteuse. Enfin, Flore Boixel (Léonie et la speakerine) fait preuve d’un engagement infatigable aussi bien scéniquement que vocalement, avec autant de sérieux que d’humour selon les besoins.