Pour sa 23ème édition, le Festival Opéra des Landes, qui a lieu comme tous les étés à Soustons, mais aussi dans plusieurs villes du littoral (Capbreton, Labenne, Hossegor), a choisi l’ultime opéra (un Singspiel) de Mozart : La Flûte Enchantée. Éric Perez signe ici la mise en scène, dans une production déjà donnée par Opéra Eclaté à l’Opéra de Reims. Les personnages évoluent sur un damier géant (décors de Patrice Gouron), d’abord noir et blanc, qui va, tout comme les costumes (Jean-Michel Angays), prendre des couleurs au gré des épreuves initiatiques. Cette notion de jeu va donner à tout l’opéra des allures de conte enfantin, entre Elmer (l'éléphant bariolé) et Mondrian, tandis que les fluos de plus en plus présents, tant dans les costumes que dans les décors, finissent d’offrir un ton résolument moderne et irrésistiblement joyeux à l’œuvre. 

La distribution entière bénéficie d’un enthousiasme et d’une énergie débordants, tous sont extrêmement convaincus, même si la prononciation allemande aurait mérité plus de précision chez certains. Les dialogues en français sont impeccablement interprétés, et apportent beaucoup d’humour et de légèreté à l’opéra. L’Orchestre Opéra des Landes, comme à son habitude, sait faire oublier sa taille réduite (double quatuor à cordes et contrebasse, quatuor de bois et cor, timbales), et si la sonorité des cordes est parfois un peu sèche, les vents savent apporter couleur et rondeur à l’ensemble. Toutefois, les musiciens pourraient parfois faire preuve d’une écoute plus sensible envers les chanteurs afin de ne pas les couvrir, notamment dans les airs de Sarastro, dont les graves ne peuvent pas toujours se déployer dans cette acoustique. À la baguette, Gaspard Brécourt se fait joueur, drôle, mais toujours précis et attentif aux difficultés des chanteurs. Il tient également le glockenspiel avec beaucoup de talent. 

Mark van Arsdale, qui tenait déjà le rôle à Reims, est un Tamino au timbre chaud et brillant, à l’aigu réjouissant et velouté, qui montre à la fois une diction impeccable, une musicalité et une grande intelligence dans l’économie de son énergie : il ne montre aucun signe de fatigue pendant toute l’interprétation de ce rôle exigeant, mais au contraire semble s’y épanouir avec joie. 

Il forme un duo équilibré et harmonieux avec le Papageno de Lysandre Châlon, délicieusement enfantin, qui allie musicalité et technique au bénéfice d’une voix de baryton timbrée et souple, qui, comme celle du ténor, ne demande qu’à s’ouvrir au cours de la soirée. Morgane Bertrand incarne ici une Papagena monstrueuse, semblant sortie d'un miroir déformant. Elle chante d'une voix presque trop lyrique pour le rôle mais qui ne manque pas d'enchanter les oreilles par son timbre souple et harmonieux.

La Pamina de Sonia Menen, elle aussi, ne fait que gagner en qualités à mesure que le personnage grandit : le timbre et le vibrato sont légers et naturels, la voix est homogène dans toute sa longueur, la maîtrise des nuances impressionnante. Seul un léger manque de consonnes, notamment dans l’air Ach, ich fühl’s, peut lui être reproché mais sa fraîcheur et sa douceur font oublier ce petit défaut. 

Marlène Assayag est une Reine de la Nuit à la voix sonore mais un peu forcée. Le timbre est dur et les vocalises comme la diction manquent parfois de précision. Elle reste cependant convaincante dans ce rôle caricatural. 

Matthieu Toulouse tient le rôle de Sarastro avec tout l’aplomb nécessaire, une voix de comédien sonore (qui n’est pas sans rappeler Sacha Pitoëff), et un timbre de baryton-basse brillant et métallique. 

Le Monostatos d’Alfred Bironien est parfaitement libidineux et répugnant, et le ténor offre au rôle toute son énergie, ainsi qu’une voix sonore et très timbrée. À ses côtés, Andoni Etcharren est un Orateur et un homme d’armes tout à fait éloquent, malgré une tendance à chanter et parler en appuyant sur le larynx au lieu de chercher la brillance dans les résonateurs. Fabio Sitzia, quant à lui, montre autant de qualités scéniques que vocales, autant dans la projection que dans le timbre. 

Les Trois Dames sont des voix jeunes mais rayonnantes, les chanteuses trouvant de beaux équilibres. Tandis que Pauline Jolly (1ère dame) manque de projection, Aviva Manenti (2ème dame) et Olga Bystrova (3e Dame) sont plus présentes vocalement. Toutes trois apportent beaucoup d’humour et de fraîcheur à chacune de leurs interventions, scéniques ou vocales. 

Pour finir, Elie Marmier, Léna Smaili et Louise Casamayou sont trois enfants pleins d’entrain et d’avenir. Ils méritent leurs bravos pour toutes leurs interventions, justes, sans erreurs, et scéniquement excellentes. Le Chœur de l’Opéra des Landes, quant à lui, semble avoir progressé dans sa sonorité, les choristes montrant toujours autant d’enthousiasme et de conviction. 

Le Festival semble ainsi avoir de beaux jours devant lui, développant chaque année un peu plus son offre de concerts et récitals.