"L’Exception Lyrique" : Mozart et Rossini au cœur du Lot-et-Garonne
Poursuivant sa mission de rendre l’art lyrique doublement accessible, par les lieux choisis et en proposant des tarifs modérés (10€ en plein tarif), ce Festival propose pour sa clôture un riche programme. Initialement prévu dans les haras de la commune, le concert est finalement déplacé dans le théâtre en raison du risque de pluie. La première partie comporte le Concerto pour clarinette de Mozart et la seconde une sélection de passages issues des comédies de Mozart (de la trilogie da Ponte et de La Flûte enchantée plus précisément) et de Rossini (“Una Voce Poco Fa” et “La Calunnia” pour Le Barbier, “Nacqui all’affanno” pour La Cenerentola ainsi que l’ouverture de L'Échelle de soie). Quelques contredanses de Beethoven sont aussi proposées en guise de prélude vivifiant pour cette seconde partie. Au cœur de l’été, le programme se veut donc aussi virtuose que léger et ainsi plaisant et abordable pour le plus grand nombre.
La souplesse dans l’interprétation de l’orchestre contribue à instiller cette ambiance vivifiante. Jean-François Heisser dirige sans baguette. Il veille au fin équilibre de son orchestre que ce soit vis-à-vis de la clarinette dans le concerto ou des voix dans la seconde partie. Les solistes se retrouvent ainsi mis en valeur sans que la dimension orchestrale des œuvres soit négligée ou effacée, l’orchestre conservant sa pleine dimension. La synergie est aussi trouvée dans les intentions qui demeurent univoque. Cela est particulièrement remarqué dans le fleurissement poétique de l’Adagio du concerto. Rythmiquement aussi tout est en place avec les solistes, permettant une fluidité totale sans latence ni précipitation entre les parties des différents acteurs. Les contrastes entre les différentes sections de l’orchestre sont par contre parfois un peu noyés. Certaines incises gagneraient ainsi à être plus accentuées. La coordination est globalement correcte bien que le coup d’archet soit encore perfectible. Elle ne se perd pas et est même renforcée dans les accélérations, rossiniennes en particulier, contribuant à leur conférer une rafraichissante énergie.
Pierre Génisson évolue comme un poisson dans l’eau dans le Concerto de Mozart, qu’il connait parfaitement pour l’avoir enregistré avec le Concerto Köln notamment. La virtuosité du jeu permet une grande fluidité dans le rythme comme dans la mélodie. Les accentuations pertinentes ajoutent du rythme dans l’interprétation et contribuent ainsi à l’effet entrainant du premier mouvement. Pierre Génisson se démarque surtout par l’expressivité qu’il confère à sa clarinette, donnant à chaque note une intention particulière comme s’il s’agissait de mots. Il semble ainsi raconter une histoire en musique, tel un personnage de film muet.
Cette éloquence se retrouve aussi dans le chant du baryton Paul Gay qui traduit dans ses inflexions aussi bien l’autorité paternelle de Sarastro dans "In diesen heil’gen Hallen" (Des murs de ce Temple Saint), que la fausse nonchalance de Leporello listant le catalogue des conquêtes de son maître ou encore le délicieux emballement de Basilio dans La Calunnia. La voix est très puissante avec une projection qui emplit la salle d’une impressionnante intensité dans les pertinentes poussées. Le timbre conserve une certaine fermeté et transmet ainsi ce caractère aux personnages chantés. L’efficacité de sa technique de souffle lui permet de tenir sans fléchir toutes les répliques, y compris parfois en jonglant à l’intérieur avec les délicates évolutions bel-cantistes de la mélodie. L’articulation permet d’apprécier chaque mot et donne du relief grâce au marquage des consonnes. L’implication physique traduit dans le jeu l’archétype des personnages incarnés.
La mezzo-soprano Juliette Mey (Révélation Artiste Lyrique aux Victoires de la Musique Classique cette année) se singularise à l’opposé par une voix plus délicate. Le timbre est relativement riche et présente des couleurs variées. Après une légère rigidité dans le chant lors du "Voi che sapete" elle se révèle pleinement dans Rossini développant avec virtuosité les capacités de son vaste ambitus parfois au sein d’une même mélodie. Les lignes vocales sont exécutées avec une précision démontrant une technique solide. La richesse de l’ornementation s’intègre tout à fait au répertoire et demeure pertinente. Le volume est suffisant pour être bien audible à tout moment sans s’effacer dans le duo "La ci darem la mano" face à la voix du baryton.
Pierre Génisson | Juliette Mey |
Après quelques latences liées à l’oubli de partitions du chef d’orchestre, qui ont finalement généré un effet comique contribuant à la légèreté de la soirée, un rappel est interprété. Il s’agit de "Soave sia il vento", trio de Cosi fan tutte : réunissant l’ensemble des protagonistes de la soirée, la clarinette de Pierre Génisson fait office de seconde voix féminine. Le public est largement debout pour applaudir chaudement les musiciens à la fin de la soirée. Juste avant que des élus locaux n’annoncent le renouvellement du festival pour une quatrième édition, au vu de son succès.