On va s'aimer au Off d'Avignon
Inspirés par les fameux spectacles "Ils s'aiment", "Ils se sont aimés"... Véronique Pain et Fabrice Maitre incarnent ici Félicie et Ignace, un couple de chanteurs passionnément amoureux mais confrontés (avec humour) aux défis de la vie de couple : mariage, auditions, concerts, premières expériences au volant d’une voiture de luxe (pourquoi pas)… Et ce qui commence bien finit bien souvent en situations cocasses (entre peur des vœux matrimoniaux, manies agaçantes, chicanes dues aux égos démesurés des chanteurs…). La vie quotidienne est loin d’être simple, mais ce couple y fait face avec autant d’humour que de désinvolture.
Ce spectacle dynamique et plein d’énergie débute avec Tonight (la scène du balcon de West Side Story) et se poursuit avec une série de saynètes hilarantes, dans un style rappelant aussi la série Scènes de ménages, mais mélangé à Verdi, Lehár, Bizet, Offenbach et d’autres compositeurs, sans oublier quelques chansons des Années Folles, dans une mécanique du rire.
Véronique Pain joue et chante le rôle de Félicie, une soprano un peu nerveuse et distraite, légèrement excentrique et fantaisiste. Dotée d’une voix claire, aux aigus lumineux et légers, ses vocalises sont agiles. Elle fait rire le public avec ses fulgurances et ses expressions volontairement exagérées, allant même jusqu’à s’échauffer la voix de manière particulièrement peu orthodoxe. Parmi les surprises dont fourmille cette proposition, le spectateur aura intérêt à ne pas lui demander de chanter en allemand ou bien alors à se munir d'un parapluie. Elle change souvent de costume, apparaissant même en peignoir avec une serviette sur la tête ou une robe de flamenco, ajoutant ainsi à l’élément comique de sa prestation. Un moment de pure beauté et de calme se dégage en outre lorsqu’elle interprète "Oh! quante volte" (I Capuleti e i Montecchi de Bellini), démontrant sa capacité à passer de la comédie à l’émotion avec aisance. Elle propose alors un chant piano, très legato et joliment vibré, accompagné d’une grande expressivité et délicatesse, ainsi que des graves chauds qui contrastent avec sa voix lumineuse dans les aigus.
Fabrice Maitre joue Ignace, le mari aimant mais maniaque (il ne faut surtout pas toucher à son piano !), qui réagit aux extravagances de sa femme avec ses propres folies. Le ténor présente une voix légère au timbre très chaud (même dans sa voix parlée), qu’il sait adapter à cette petite salle. Ne manquant pas de polyvalence, il chante en solo et en duo, accompagne la chanteuse au piano et amuse le public avec des chansons des Années Folles, en s’accompagnant lui-même à l’accordéon. Les artistes engagent souvent le public, l’invitant à chanter avec eux des morceaux, comme le Brindisi de La Traviata et des chansons populaires, connues du grand public, créant une atmosphère conviviale et participative. Pour fêter leur mariage dans les règles de l'art, ils proposent un toast au public, champagne et chant compris (avec une demi-douzaine de gobelets) ! Dans son premier couplet, les fa# du ténor sont étonnamment un peu bas (sûrement dû à la fatigue), cependant, le si final est juste, bien soutenu et appuyé sur un bon souffle.
Le spectacle est ainsi rempli de moments comiques et d’énergie sans pour autant sacrifier la qualité vocale. Malgré quelques passages où l’enthousiasme entraîne un débit de parole un peu trop rapide, l’ambiance détendue permet aux spectateurs d'interagir, et même lorsque le spectacle est fini... il ne l'est pas encore tout à fait. Après des applaudissements chaleureux, Fabrice Maitre brise le quatrième mur, en guise de dernier sketch, pour préciser que, malgré le titre du spectacle, ils ne s’aiment pas vraiment. Et (reprenant l'esprit comique) qu'elle n'est pas à son goût par-dessus le marché ! Véronique Pain réagit en reprochant cette déclaration, offrant un ultime éclat de rires aux spectateurs. Ainsi, « On va s’aimer » se conclut sur cette note joyeuse, laissant le public enchanté et de bonne humeur.