Etats "Dame" de Monte-Carlo au Festival Off d'Avignon
Ces États “Dame” sont en particulier ceux de La Dame de Monte-Carlo, texte de Jean Cocteau mis en musique par Francis Poulenc en 1961. Et ce spectacle émouvant d'une heure mélange également airs d’opéra, Lieder et mélodies, ponctués de solos de piano, le tout entrecoupé par des récitations de la soprano, qui jouent un rôle clé dans la création d'une histoire cohérente et dramatique (comme à la fois en parallèle et en prolongement). La progression psychologique de cette femme perdue, oscillant entre les souvenirs d’un amour passé, les rares moments de lucidité et la tentation de mettre fin à ses souffrances, est mise en avant. Le voyage dans ses souvenirs met en lumière des femmes compositrices, telles que Clara Schumann et Cécile Chaminade, ainsi que des compositeurs comme Poulenc (bien évidemment), Puccini, Schubert, Debussy et Joaquín Rodrigo, qui ont su capturer une part d'ontologie au féminin dans leurs œuvres.
Le spectacle commence avec le Vissi d’arte (Tosca de Puccini), où seule la tête de la soprano est illuminée, symbolisant peut-être la solitude et le vide qui l’entourent. À la fin du spectacle, le changement de couleur (bleue) suggère un état d’esprit plus apaisé, l'acceptation d'un destin... le calme après la tempête !
Les lumières servent ainsi d'habillage dans ce décor minimaliste : une scène vide, une chaise utilisée par la chanteuse pour divers moments d’expression, et un piano avec l'instrumentiste jouant dos au public.
Madeline Ménager incarne son personnage avec passion et intensité. Son interprétation, poignante et expressive, crée une forte connexion avec le public, qu'elle regarde dans les yeux pour transmettre le désarroi et susciter l’identification du spectateur avec ses sentiments. Sa voix, claire, large et puissante, s'étend avec aisance des médiums aux aigus, ces derniers étant ronds et vigoureux. Sa musicalité se manifeste par des phrases nuancées et bien menées, jusqu'aux délicats piani. Sa polyvalence est aussi à l'honneur lorsqu'elle interprète la Danse slave n° 2 de Dvořák à quatre mains avec son pianiste, et lorsqu’elle exécute quelques pas de danse élégants et délicats : une sacrée "Dame".
Même de dos, Étienne Goepp parvient à transmettre sa passion à travers son piano, exprimant avec force ou légèreté les états d’âme de la chanteuse, sans jamais éclipser le personnage principal. Il interprète plusieurs solos (par cœur alors et d'autant plus immergé dans une musique empreinte de sensibilité et d’agilité), donnant aussi à la chanteuse le temps de ménager sa voix, mais aussi de ménager des moments expressifs durant lesquels elle représente visuellement sa souffrance, son aliénation ou sa délivrance.
Le spectacle se conclut par l’Ave Maria du compositeur français Philippe Rombi, la soprano chantant au milieu du public, ses aigus résonnant dans toute la salle. Les spectateurs manifestent un enthousiasme débordant, applaudissant les artistes pendant plusieurs minutes et les rappelant trois fois sur scène.