Gala Belle Époque au Théâtre des Champs-Elysées
Le programme de ce Gala Belle Époque réunit des œuvres françaises composées entre 1870 et 1913 et offre notamment de (re)découvrir la modernité parfois oubliée ou négligée de certains compositeurs, comme Jules Massenet, dont les Expressions lyriques annoncent sans point douter le Pierrot lunaire d'Arnold Schoenberg, composé deux ans plus tard.
Quand l'orientalisme se mêle au modernisme
Mais avant d’embarquer pour ce voyage explorant les inspirations postromantiques, symbolistes et orientales de la musique française de l'époque, Marie-Nicole Lemieux et l'orchestre ont tenu à rendre un vibrant hommage à la soprano Jodie Devos, décédée le 16 juin. Visiblement émue, la contralto a pris la parole pour expliquer qu'elle souhaitait interpréter Urlicht (Lumière originelle), extrait de la Deuxième Symphonie de Gustav Mahler, car c'est la musique qui lui était venue au cœur, à la vue du cercueil couvert de roses de la jeune soprano belge. Elle a également demandé au public de ne pas applaudir afin de rester dans “la concentration et le recueillement”.
À sa suite, l'orchestre a poursuivi cet hommage en interprétant avec beaucoup de douceur et de tendresse la Pavane de Gabriel Fauré, rendant la transition avec le programme toute naturelle.
L'Orchestre de chambre de Paris trouve dans cette musique et sous la baguette de Fabien Gabel des couleurs chatoyantes aussi bien que des nuances feutrées. Les différents solistes de pupitres trouvent ici l'occasion de s'illustrer avec beaucoup de brillant notamment dans la Fantasietta de Théodore Dubois. Le chef fait heureusement preuve de plus de précision dans sa direction que dans le repassage de sa queue de pie. Il sait créer de patentes complicités, aussi bien avec l'orchestre qu'avec les deux solistes de la soirée.
La première, Marie-Nicole Lemieux, fait preuve dans ce répertoire d'un magnétisme puissant, doublé de sa voix de velours. Le registre de poitrine est souvent un peu nasal mais les aigus sont légers et d'une rondeur surprenante chez une voix si grave. Elle semble trouver dans le parlé-chanté de Massenet une profondeur jouissive sans être ampoulée. Soutenue par un orchestre très à l'écoute, elle peut se permettre tous les contrastes, toutes les nuances, et lorsqu'elle ose des forte opératiques, sa voix se déploie avec bonheur dans un flot d'harmoniques puissants.
L'usage de la partition ne l'empêche pas d'incarner chaque mot, avec sa personnalité si sincère. Même si le texte manque parfois de clarté et de projection, son naturel de comédienne tour à tour charmeuse, déclamatrice, mutine, comble les manques de la diction.
La harpiste Mélanie Laurent quant à elle, quitte le temps des Danses sacrée et profane de Claude Debussy le cocon de l'orchestre pour devenir soliste sur le devant de la scène. Entourée seulement de l'orchestre, elle envoûte visiblement l'auditoire dès l'instant où ses mains touchent les cordes, poursuivant avec beaucoup de générosité, d'engagement et un toucher de velours (recueillant bravos et applaudissements soutenus et mérités).
À la fin du concert, après les Mélodies Persanes de Camille Saint-Saëns, Marie-Nicole Lemieux régale elle aussi le public d'un bis, la Villanelle extraite des Nuits d'été d'Hector Berlioz, alliant humour, naturel et charme pour le plus grand plaisir du public.