Bernadette de Lourdes, musicale apparition au Dôme de Paris
En 1858, Bernadette Soubirous, une jeune fille de 14 ans fait à 18 reprises la rencontre d'une entité qu'elle nomme « aquerò », ou « aquèra » (cela ou celle-ci, en gascon), dans une grotte non loin de sa commune de Lourdes (mais qui deviendra la célèbre "grotte de Lourdes"). Elle défendra ses visions auprès d'autorités sceptiques et méfiantes envers le pouvoir d’attraction sacrée que pourrait prendre l’adolescente. En s'appuyant sur les témoignages et documents d'époque, tel le procès-verbal du commissaire de police de Lourdes, Dominique Jacomet, ou les rapports du procureur impérial Vital Dutour, c’est cette histoire marquante que racontent les paroliers Lionel Florence et Patrice Guirao (qui ont également mis en mots ensemble Le Roi Soleil, ou encore Les Dix Commandements, désormais fameuse comédie musicale récemment de retour à l'affiche).
Serge Denoncourt signe la mise en scène, avec les décors de Stéphane Roy : dynamiques et fluides, de grands panneaux se séparent pour former la porte d’une église ou le mur d’une chambre avec cheminée. Grands ouverts, ils laissent apparaître un grand écran sur lequel sont projetées des reproductions des paysages des Hautes-Pyrénées ou de la grotte de Massabielle, grâce au travail de perspectives, couleurs et d’ombres de la société Silent Partners Studio. Les lumières de Martin Labrecque mettent en valeur et en relief scénique chacun des personnages, dont les costumes (Mérédith Caron) plongent le spectateur en plein cœur d’une petite ville sous le Second Empire.
Pour séduire et marquer l’oreille des auditeurs, le chanteur Grégoire qui a composé les musiques et réalisé les arrangements (avec Scott Price) n’hésite pas à user de recettes caractéristiques de la comédie musicale. Les thèmes accrocheurs reviennent régulièrement, les mélodies et les harmonies simples portent des phrases répétées presque systématiquement. Le relief instrumental et les nuances de la bande-son enregistrée s'appuient essentiellement sur un ensemble à cordes, piano et percussions, visant à faire ressortir le côté touchant de certaines pistes.
La jeune chanteuse Eyma y déploie dans le rôle-titre l'alliage d'innocence et de fragilité d'une voix tendrement juvénile. La tessiture manque parfois de largesse et de soutien dans l'aigu, mais le résultat traduit justement cette timidité vocale et scénique recherchée pour incarner cette adolescente avec justesse.
Investi dans son interprétation, David Bán (qui incarne François Soubirous, le père de Bernadette) offre une voix qui vient du cœur et séduit par son grain vocal au léger vibrato, ajoutant à la sensibilité de son interprétation (mais ne comblant pas le manque de profondeur des paroles). Louise Soubirous, mère de Bernadette, est défendue avec tendresse et chaleur grâce au timbre de Sarah Caillibot, très légèrement perçant pour mieux marquer l’auditeur. L’abbé Peyramale prend les traits et la voix rocailleuse de Christophe Héraut, qui démontre une grande connaissance du genre entre le chanté-parlé et des aigus non moins maîtrisés, notamment pour sa chanson avec son bien vu « Je te crois comme tu vois ».
Le commissaire Jacomet est interprété par Grégory Deck, qui se montre à l’aise avec « En moi », chanson de méchant remplie de colère et de désespoir très appréciée du public. Daniel Defilipi est un Monseigneur Bertrand à la présence paternelle ainsi que le Docteur Dozous. Les interventions des artistes de chœur manifestent un travail attentif de la diction, précise et commune, bénéficiant du travail de mix et sonorisation de Denis Savage pour les équilibres.
Touché par cette histoire d’une jeune fille devenue sainte, le public se montre enthousiaste et, après le finale « Allez dire » sur des images de processions à Lourdes et un court rappel de la chanson « Madame », la salle se lève pour applaudir l’ensemble des artistes de cette production.