Voyage autour de la Méditerranée avec Fatma Saïd au Festival de Paris
Depuis la petite salle du Théâtre de l’Œuvre, le public s’embarque pour aller découvrir, avec Fatma Saïd, les rives de la Méditerranée – la France avec Bizet, la Grèce avec le cycle des Cinq mélodies populaires grecques de Ravel, l’Espagne avec Falla et Obradors et enfin, l’Égypte et le Liban. Un programme également empreint d’une mélancolie qui se poursuit tout le long du chemin, autant avec Les Chemins de l’amour de Poulenc que les Trois chansons égyptiennes de Sherif Mohie El Din, trois poèmes évoquant, explique la soprano, la nostalgie de l’amour perdu dans des comparaisons avec la nature et enfin, la mort qui attend le poète dans son lit d’hôpital. C’est l’un des moments les plus poignants du concert, marqué par une puissante intensité dramatique dans une musique plutôt minimaliste, alternant avec des silences où la salle est suspendue à la voix de Fatma Saïd.
Malcolm Martineau, au piano, participe lui aussi à ces touches de mélancolie, mais aussi de gaieté car après tout, le programme présente également des airs plus vifs ou guillerets comme les Fêtes galantes de Poulenc ou certaines des Siete canciones populares españolas de Falla. Dans tous les cas, il aborde chaque morceau avec beaucoup de précision. Le jeu est posé, engagé avec une certaine délicatesse toutefois, soigné et à l’écoute de la soprano avec laquelle il entre parfaitement en communication.
La cantatrice égyptienne déploie, quant à elle, une voix particulièrement riche dans son timbre, mâtiné de nombreuses nuances lumineuses soutenues par un fond plus ombragé, feutré comme du velours. Le chant est souple, prenant le temps de bien s’installer, même si le souffle vient lui manquer sur une ou deux notes finales. Il reste cependant fluide, notamment par la diction travaillée dans chacune des langues chantées. Il est également très expressif, autant dans sa vivacité, son amusement, que dans sa nostalgie pénétrante et troublante. Moins engagée au début du concert dans son Ravel, c’est avec Poulenc, qui suit, qu’elle prend définitivement ses marques sur la scène avant de rejoindre l’Espagne et le Moyen-Orient après le petit entracte. Enfin, dans les pas de Fairuz, Fatma Saïd aborde son « tube » Aatani al naya wa ghanni (« Donne-moi la flûte »), composé par Najeeb Hankash sur un texte du grand poète libanais Gibran Khalil Gibran. Ici, la voix emporte avec chaleur et naturel le public dans une profonde mélancolie qui lui vaut, à la fin, de nombreux applaudissements.
C’est toutefois sur une note plus gaie que s’achève le concert avec, en bis, « La tarántula é un bicho mú malo » de Gimenez, sur les rires et les remerciements du public. Les spectateurs interrompent toutefois par leurs applaudissements la continuité des cycles, guidés par l’enthousiasme, et remercient les artistes avant que finalement ne s’achève le voyage.