Résurrection spatiale de Haendel au Festival de Saint-Denis
La Basilique de Saint-Denis accueille comme une évidence cette œuvre sacrée, mêlant les pleurs de Marie Madeleine et Marie de Cléophas suite à la mort de Jésus, les luttes d'un Ange et de Lucifer, jusqu'à La Résurrection du Christ. La mise en espace signée Olivier Simonnet se veut épurée. La scène se compose en trois parties assez étroites : la première donne sur le public, la seconde regroupe les musiciens scindés en deux groupes afin de laisser une allée pour les chanteurs rejoignant la troisième partie, un espace en largeur surplombant les deux autres. Les lumières de Cécile Trelluyer et Marc Delamézière projetées sur les immenses colonnes reprennent les couleurs des costumes réalisés par l'association La Main Fine. Ceux-ci se constituent tous de la même sorte : une tunique d’une couleur unie assortie à une ceinture (référence aux habits ecclésiastiques).
Emöke Baráth, incarnant le rôle de Maddalena, se distingue par un timbre de soprano léger, clair et aérien, avec une grande souplesse dans le phrasé et une précision patente. Sa technique vocale lui permet de réaliser des ornements avec finesse, apportant sa vivacité aux textes. Cependant, elle fait état dans cette acoustique d'un léger manque de coffre et de respirations parfois brusques.
Dans le rôle de l'Angelo, et toujours auréolée de sa victoire au célèbre Concours Operalia, la soprano Julie Roset demeure peu mobile, pour mieux sculpter son timbre sémillant et cristallin, passant particulièrement dans l'acoustique du lieu. Les aigus sont brillants, le vibrato maîtrisé et sa ligne vocale fluide sait ajouter une dimension éthérée à son interprétation.
Lucile Richardot offre à Cleofe le timbre mature et coloré de son mezzo-soprano côtelé. Ses expressions faciales synchronisées avec l'intonation de son chant ajoutent à l'expressivité se prêtant volontiers à la dramaturgie (le tout renforcé par le fait que, tout au long de la prestation, son articulation et sa diction restent précises, permettant une parfaite compréhension des textes italiens).
Le ténor Emiliano Gonzalez-Toro, dans le rôle de San Giovanni, brille par son timbre lumineux et sa technique vocale immaculée. S'il est fort peu mobile également, c'est aussi en raison de l'espace scénique contraint ainsi que pour installer une voix éclatante, franchissant avec aisance les obstacles de la partition. Il apporte une clarté et une vivacité particulières à son personnage.
Dans le rôle de Lucifero, Robert Gleadow (baryton-basse) s'affirme autant par l'investissement dramatique que par les capacités vocales. Il embras(s)e pleinement son personnage, tout en le faisant évoluer. Son timbre, riche et texturé, granuleux et chaud, résonne pleinement dans toute la Basilique. Il semble également assumer une ligne vocale parfois très saccadée, comme il se contorsionne, passant même du sol à debout sur une chaise, tout en maintenant son chant.
Julien Chauvin dirige du violon son ensemble sur instruments d'époque, Le Concert de la Loge. Son jeu se distingue par la souplesse et la légèreté de gestes intentionnellement réduits en amplitude, sauf pour les départs très marqués (et d'autant plus clairs dans ses intentions). Les instrumentistes s'adaptent à l'acoustique du lieu et visent à tirer le meilleur parti des résonances ainsi que dans l'équilibre avec les différentes tessitures des chanteurs, adaptant leurs nuances, contrôlant leurs projections avec justesse (quoiqu'étant en deux groupes).
La soirée est couronnée par une pluie d'applaudissements, ne visant pas, pour leur part, à restreindre ni contrôler la longueur de leurs résonances dans cette Basilique.
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