Les folles Noces de Figaro à l’Opéra de Vienne
Un an après sa première représentation, la mise en scène signée Barrie Kosky des Noces de Figaro continue d'enchanter le public de l’Opéra de Vienne, grâce à sa vision mêlant classicisme et modernité.
Les décors de Rufus Didwiszus plongent dans un palais baroque, bien plus proche du style baroque français que de celui néo-rococo des palais viennois. Montés sur de larges plateaux roulants, ils peuvent ainsi être gardés tels quels d'un acte à l'autre mais le décor du dernier acte se fait plus inhabituel, avec seulement un sol couleur herbe, pour rappeler le jardin où se déroule alors l’intrigue (des trappes permettent aux chanteurs d’apparaître et de disparaître, ajoutant à la confusion des quiproquos du livret). Les portes, disproportionnées ou camouflées, restent des éléments essentiels dans chaque acte, les protagonistes pouvant ainsi entrer, sortir, rentrer encore, se cacher… Le comique et la frivolité de l’œuvre sont alors rendus avec l'évidence, aussi, de nombreux et beaux costumes (de Victoria Behr), vivement colorés pour la classe noble, élégamment noirs et blancs pour les domestiques. Les lumières de Franck Evin mettent en avant, avec une parfaite subtilité, les dessous plus profonds de l’œuvre, particulièrement la mélancolie et la solitude de la Comtesse, avec également d’appréciables jeux d’ombre.
Davide Luciano & Federica Lombardi © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn | Ileana Tonca & Alma Neuhaus © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn |
La distribution est renouvelée (par rapport à l'année dernière, hormis Marcellina et Don Curzio). Le Comte Almaviva est incarné par Davide Luciano de son timbre chaud et autoritaire, aisément projeté au-dessus de la fosse. La force et la constance de son jeu s'expriment particulièrement. La Comtesse Almaviva est interprétée par Federica Lombardi, qui fait entendre une voix vibrante aux couleurs toujours tendres et non moins brillantes. Elle propose une agréable subtilité dans ses phrasés, agrémentés d’intentions contrastées.
Suzanne revêt les traits de Slávka Zámečníková et de sa voix fine et claire. Son chant se fait agile et caressant, sa présence scénique naturelle et même rayonnante. Son fiancé, le charmant et ingénieux Figaro, est interprété par Philippe Sly, très à l’aise dans ce rôle. Si sa projection est parfois un rien en difficulté pour passer la fosse, il fait entendre un timbre noble et sensible, qui sait également jouer avec ses différentes teintes afin d'ajouter au comique. L’adolescent Cherubin, aux allures aussi timides qu’entreprenantes, bénéficie de la voix d'Alma Neuhaus, claire et bien présente ave un soin porté au texte, une pointe de jeunesse et d’émotion candide.
Philippe Sly (© Wiener Staatsoper / Michael Pöhn) |
Slávka Zámečníková (© Wiener Staatsoper / Michael Pöhn) |
Marcellina est incarnée par Stephanie Houtzeel avec chaleur et présence, formant une heureuse et improbable paire avec Evgeny Solodovnikov en Bartolo, à la voix chaleureuse, bien que manquant parfois de présence vocale. Basilio a la voix équilibrée et claire de Norbert Ernst, tandis qu'Andrea Giovannini prête son timbre léger et varié à son jeu particulièrement comique en Don Curzio. Attila Mokus active sa voix présente en Antonio. Enfin, la jeune Ileana Tonca offre sa voix fine à Barbarina.
Davide Luciano (© Wiener Staatsoper / Michael Pöhn) | Philippe Sly & Slávka Zámečníková (© Wiener Staatsoper / Michael Pöhn) |
Les interventions du Chœur de l'Opéra d'État de Vienne sont précises et homogènes. L’Orchestre se fait vif et limpide tout en restant très homogène. Les vents font entendre d’espiègles interventions qui, dès l’ouverture, donnent le ton de l’œuvre. Le théâtre est indéniablement servi par la musique et son interprétation, démontrant le travail expert de son chef et directeur musical (sur le départ), Philippe Jordan, particulièrement attentif au plateau, lui offrant sans cesse des élans, au risque de très légères avances en tout début de soirée.
Le public, conquis par cette production alliant profondeur et humour, exprime sa gratitude par des applaudissements chaleureux, témoignant ainsi de son enchantement devant cette œuvre qui conjugue avec brio les aspects les plus subtils et les plus divertissants de l'art mozartien.