Karine Deshayes à Clermont-Ferrand, les mélodies d’un bonheur
Désormais dirigé par Ève Coquart, le Clermont Auvergne Opéra présentera début juin une nouvelle saison qui marquera aussi les prémices d’une ère nouvelle. Mais pour l’heure la maison lyrique clermontoise aborde sa fin de saison en programmant un récital qui, sur le papier, a tout pour être la promesse d’une belle soirée : l’une des mezzos les plus demandées de sa génération pour invitée de marque, un pianiste habitué à l’exercice du récital, et dans l’art d’allier comme ce soir un programme musical au large spectre, allant de la mélodie française à quelques grands airs du bel canto.
Un riche menu, en deux temps. D’abord, la mélodie française, avec des pièces d’Henri Duparc toutes empreintes d’une poésie éloquente (composées sur des textes de Charles Baudelaire, Jean Lahor et Leconte de Lisle), puis Gounod, avec sa mélodie L’Absent, et deux extraits de ses opéras, Sapho (« Ô Ma Lyre immortelle ») et La Reine de Saba (« Plus grand dans son obscurité »). Puis, de la France à l’Italie, il n’y a donc qu’un pas, allègrement franchi dans une seconde partie de programme convoquant Donizetti, Bellini, sans oublier Rossini avec des extraits d’Otello ou d’Elisabetta, regina d’Inghilterra, opéra dans lequel Karine Deshayes s’était illustrée fin 2022 dans une version concertante à Marseille (notre-compte-rendu).
Comme au coin du feu
Un copieux programme en somme, dont la mezzo-soprano française s’empare ici avec toute la nécessaire virtuosité. La prosodie et l’émission, dans le souci du mot comme dans celui de la sonorité déploient une voix de velours dont jamais la projection n’est forcée, se faisant naturellement sonore et expressive. Toute la largeur de l’ambitus est sollicitée avec égale aisance et conviction culminant en des aigus vaillants. Le regard tantôt grave, tantôt rayonnant au gré des émotions dépeintes, la mezzo use de son timbre mordoré et de son émission suave et ronde pour soutenir crescendos, legato soyeux, vibrato raffiné et silences marqués avant de repartir virevoltant vers la ”Canzonetta spagnuola" de Rossini chantée avec un entrain communicatif.
Antoine Palloc au piano se fait accompagnateur impeccable, et complice, sa technique assurée aux nuances précises sachant valoriser les choix de sa partenaire autant que des pièces pour piano solo comme la Méditation de Thaïs ou l’Andante de Donizetti. À l'instrumentiste, comme à la mezzo, le public réserve une chaleureuse ovation, lui valant de récolter en bis "A Chloris" de Reynaldo Hahn tout aussi apprécié que le reste du programme.