Haendel Résurrection au Festival de Pâques d’Aix : l’Amour est Vivant
Le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence déploie son volet sacré de ce Temps Pascal, avec un oratorio de jeunesse d’Haendel, La Resurrezione, consacré, de manière puissamment théâtrale et imagée, à la Passion du Christ et à son mystère central.
La mise en place des Musiciens du Louvre est soignée, les différents pupitres se caractérisant par un étagement et une répartition en miroir (structurant et unifiant en même temps la pâte sonore). La forêt domaniale de l’orchestre est ainsi bien ordonnée, mais accorde une latitude aux jeux réciproques des musiciens concertants. Des duos ou trios sont attachés à tel ou tel chanteur, musicalement, et parfois physiquement, les uns et les autres se tenant côte à côte, comme pour montrer que dans cette œuvre, à la croisée du premier baroque et du baroque tardif, l’instrumental et le vocal se nourrissent l’un de l’autre. À cet égard, le violon solo d’Alice Pierot module son timbre, toujours affuté, en fonction de ses interactions avec tel ou tel chanteur. De même, le ténor James Way, insère sa voix longue et modulée dans telle ou telle combinaison instrumentale.
Trois étages commandent les déplacements des chanteurs : fond de scène, avant-scène et centre de l’orchestre, légèrement situé du côté de la main droite de Minkowski, celle qui tient la baguette. L’effet est à la fois visuel et dramatique et rapproche l’oratorio de l’opéra.
La direction de Minkowski est minimaliste dans les airs accompagnés par la basse continue, mais engage son corps entier dans les grandes respirations collectives de l’orchestre. Ses coudes restent haut, ses gestes traversant la barrière de l’orgue.
La Maddalena de la soprano roumano-suisse Ana Maria Labin compose une figure de grande douceur, au timbre de miel d’acacia. Elle pose ses mots comme une caresse sur la joue d’un enfant, geste de tendresse et de consolation. La voix gagne en présence irisée d’air en air, passant de l’espérance à la certitude de la foi.
La mezzo-soprano norvégienne Astrid Nordstad offre à Cleofe un instrument à la fois sombre et lumineux, au timbre d’étoile. L’articulation des vocalises est sûre, les notes s’égrenant comme les secondes d’une horlogerie de précision, dans le legato comme dans les notes piquées. La voix est équilibrée, bien placée, comme « empulpée », à la croisée de la tête et de la gorge.
La soprano franco-allemande Caroline Jestaedt est un Angelo au timbre de nacre, légèrement nasillé pour répondre au hautbois, au débit crépitant pour s’adresser aux cordes, à la projection énergique, à la limite du cri, pour en découdre avec Lucifer. La voix gagne en présence et en véhémence, telle une pythie, et se gorge de pâte de fruit avec la victoire finale du Bien contre le Mal.
La basse britannique James Platt est un Lucifer de circonstance, au port et à la voix de stentor. La justesse n’est pas sa préoccupation première, sauf dans l’hyper-grave, qu’il étale sur le sol de sa tessiture, avec précaution. Les syllabes, en particulier dans les vocalises, sont projetées comme des gants de boxe sur l’espace acoustique.
Le ténor James Way est un San Giovanni à la voix longue, tour à tour moussue jusqu’à l’évanescence et cuivrée jusqu’à l’incandescence, personnage de conteur, de narrateur, in fine d’acteur de la Passion du Christ. Ses amplifications, soudaines, ont un souffle opératique.
Le public, privé d’entracte à la demande du maestro Minkowski, applaudit dans un long souffle recueilli cette version de La Resurrezione dans laquelle instruments et voix, verbe et expression, intériorité et spectaculaire se tiennent à l’unisson.