Pietà de tous les temps à Flagey
Le choix symbolique de la date du concert coïncide avec l’équinoxe du printemps, signe d’espoir et de renouveau. Placée entre l’austérité sombre de la ferveur et la luminosité de l’interprétation, la musique s’exprime dans toute sa complexité. La Mère de douleur est honorée dans ce programme par les regards compatissants de Vivaldi, Arvo Pärt, Vladimir Godàr, James MacMillan, Giaches de Wert et Jan Dismas Zelenka.
Si la mort du christ terrasse la vierge Marie, elle annonce également la renaissance d’un nouveau temps, signe d’espoir traduit ici par la couleur musicale d’une légère teinte lumineuse. Le Studio 4 de Flagey devient ainsi une petite cathédrale de son, porté et tournant dans la petite nef acoustique que forme l’arc-de-cercle du Chœur de la Radio Flamande entourant l’ensemble baroque Il Gardellino (dont la formation évolue selon les nécessités instrumentales avec un orgue d’appoint, une harpe, des hautbois, un théorbe et des cordes). Bart Van Reyn à la direction fait face à l’ensemble, l’énergie de la direction contrepointant la piété générale. Le directeur musical est très attentif à mettre en valeur les résonances acoustiques de la voix comme fil conducteur, avec l’intensité d’un chant dévoué. Le Chœur de la Radio Flamande affirme ainsi cette concentration de voix et jusqu’à l’éthéré également, dans d’impeccables tenues de notes. L’unisson du chœur s’apparente à un unique instrument, occupant acoustiquement l’ensemble du Studio 4. Le motet Vox in Rama de Giaches de Wert offre aux voix masculines de l’ensemble une profondeur, rejointe par les clartés des soprani.
Ouvrant le concert sur le Magnificat d’Arvo Pärt, l’éthéré des voix féminines annonce la hauteur du propos avec les aigus solistes des sopranos Sarah Van Mol et Kristien Nijs qui s’accordent de clarté, dans des notes limpides tenues en suspensions (également pour A Child’s Prayer de James MacMillan).
Plus intime, la Sainte mère de douleur est incarnée par la soliste Griet de Geyter à travers l’œuvre de Vladimir Godàr et de Jan Dismas Zelenka (1679-1745, également appelé le « Bach bohémien »). La voix ronde, ample de la chanteuse est modelée par les aigus ondulés et vibrants rappelant les pleurs de la vierge. Placée en retenue, la ligne vocale, inspirée, se fait intime pour mieux percer de ferveur.
Opus central du concert, le Stabat Mater de Vivaldi offre à la soliste Eva Zaïcik un rôle à la mesure de sa voix. Passé un premier moment de retrait, profond et sombre, le chant déploie une pureté raffinée de timbre, chaleureux, boisé et légèrement doré : un portrait Marial en souffrance et noblesse.
La soliste Elly Aerden fait également une apparition remarquée, sa voix mêlant des racines folk, jazz et néo-classique. Son phrasé naturel rappelle les ondes de Dead Can Dance pour le Maykomashmalon (2006) de Vladimír Godár. La voix placée en hauteurs mystiques, les lignes glissent en escalade, de césures plus tribales, accompagnée par les cordes, ténues.
L’icône féminine biblique de la Vierge Marie, offre ainsi ses inspirations, de complexité et d'empathie. Ovationné par un public touché en plein cœur, le concert aura tenu la durée et l’esprit d’une messe, musicale.