Requiem pour un monde à Bozar
Entre paysage intérieur et foule de piété, le Requiem embras(s)e son public en sept tableaux. De l’infiniment petit de l’être à l’infiniment grand, le Requiem se déploie grâce à la générosité de l’Orchestre Symphonique de La Monnaie et des chœurs de la Radio Flamande, de La Monnaie et son Académie. Si l’opus est connu universellement, le directeur musical sait étirer les notes et maîtrise la coordination des vagues successives composées par Verdi. Du chuchotement des chœurs et des violons au déploiement d’un mur de son vibrant, les voix s’allient aux instruments. Le service des morts est livré avec une intensité vivace, les violons légers rattrapés par les percussions sourdes.
Visites verdiennes intérieures avec le Requiem
Comme aux quatre extrémités de la croix, le quatuor de soliste offre une complétude à la lecture du Requiem. Remplaçante de Lianna Haroutounian (absente pour raisons de santé), la soprano sud-africaine Masabane Cecilia Rangwanasha, présente il y a peu de temps en récital sur les planches de La Monnaie, fait briller sa voix complexe et moelleuse, sculptée avec des aigus versatiles. Les graves, plus baroques, prennent la gorge, vibrants, opératiques et pourtant livrés avec une simplicité pieuse pour le Recordare et le Libera me particulièrement incarné.
Plus concentrée encore, Marie-Nicole Lemieux place sa voix cuivrée, précise et piquée en une retenue narrative. Oscillant entre le déclamatoire purement religieux et la piété de confession, la mezzo-alto québécoise offre une interprétation entre l’intime et l’officiel, le souffle comme maîtrise.
Grand habitué de La Monnaie, le ténor Enea Scala place ici sa voix de belcanto dans un vibrato serré. Les arias purement romantiques (de cet "opéra en soutane” comme le qualifiait Hans von Bülow) sont ainsi dirigées non plus vers l’intrigue amoureuse que le public belge lui connaît, mais vers le sacré.
Michele Pertusi et sa voix abyssale annonce avec honnêteté les lignes directes du texte, à la manière d’un patriarche, ou bien les enrobe en un chuchotement intime. Officielle et déclamatoire, la basse italienne reconnue pour sa solennité s’ancre dans les fondations de sa voix sombre et ronde, chaude et enrobée.
Tenu en suspension jusqu’à l'épuisement du silence, le Requiem de Verdi est ainsi offert en rappel des essentiels, tant religieux que musicaux. Le public clôture la Messe de Requiem par une ovation chaleureuse, annonce qu’une seconde date quelques jours plus tard est appelée à retrouver un même accueil.