Requiem de Fauré pour clôturer le Festival des Heures aux Bernardins
Le Collège des Bernardins à Paris fait résonner la musique au rythme des offices monastiques, invitant à l’écouter dans l’atmosphère envoûtante de son Festival des Heures. Pour clôturer en apothéose les deux journées de cette édition, l'Ensemble Aedes est convié à interpréter la célèbre Messe de Requiem de Fauré, en cette année commémorant le 100ème anniversaire de sa mort, précédée d'une œuvre poignante de l'abbé Liszt, son Via Crucis, qui résonne avec la Passion selon Saint Jean donnée lors du concert d'ouverture de la veille.
La soirée est elle-même rythmée par les mystiques strophes d'A Complies de la poétesse Marie Noël (1883-1967), prières au Père céleste récitées par les chanteurs, qui s'avancent pour s'adresser directement à leur auditoire, avec leurs propres intentions et timbres de voix, toujours avec beaucoup de clarté. Si elles s’intègrent sans heurt à l’œuvre de Liszt, dont les différents effectifs des numéros sont en soi assez hétérogènes, l’ajout de ces moments de poésie vient rompre le déroulé du Requiem. La relative hétérogénéité de Via Crucis permet à l’ensemble de proposer diverses positions spatiales, entrant en procession et changeant de places, offrant de ce fait différentes expériences sonores, profitant de la grande homogénéité de l’ensemble et d’un extrême travail d’équilibre dans l'écoute mutuelle. Les couleurs des harmonies ressortent avec délicatesse et néanmoins contrastes, même et surtout dans les passages les plus exposés.
Ce Via Crucis permet ainsi d’entendre plusieurs chanteurs en soliste lors de courtes interventions mais c’est surtout celle du baryton Pierre Barret-Mémy qui marque le Requiem. Sa fragilité expressive première (celle du Christ implorant sur la croix) cède place à une projection présente dans le grave (quoiqu'elle pourrait gagner encore en largesse). Sa collègue soprano Agathe Boudet offre un Pie Jesu d'une musicalité sensible, avec un léger vibrato qui orne le soutien de ses tenues dans une apparente simplicité. Son vibrato adoucit aussi la pureté de son timbre avec tendresse, tout comme sa ligne conduite par des intentions sincères et maîtrisées avec souplesse.
L’accompagnement instrumental est assuré par Louis-Noël Bestion de Camboulas à l’orgue, dont le touché assuré garde un souffle de phrasé, permettant d’avancer avec souplesse et intentions. L’instrument sait aussi se faire parfois comme feutré et lointain. La direction de Mathieu Romano n’est pas en reste avec sa gestuelle caressante et attentive à la finesse de l’interprétation.
Le public, transporté par cette parenthèse musicale hors du temps, célèbre ce moment de communion avec, en bis, le Cantique de Jean Racine de Fauré, avant de retourner à l'effervescence de la nuit parisienne.