Contes Mystiques en vue de Rocamadour
Créé à Paris en 1896, le cycle de mélodies Contes Mystiques composé de 11 opus précédés d’un large prélude pour piano signé Augusta Holmès, possède la particularité de mettre en exergue un poète et dramaturge assez oublié, Stéphan Bordèse, et un compositeur différent pour chaque mélodie. Fils d’un compositeur napolitain installé en France, Stéphan Bordèse fut en plus de ses écrits directeur de l’importante maison d’édition musicale Durand-Schönewerk. A ce titre, il côtoyait les compositeurs les plus éminents de son temps. Pour le cycle Contes Mystiques qui évoquent les années d’enfance du Christ, il a ainsi fait appel à des compositeurs aussi différents que Gabriel Fauré, Théodore Dubois, Jules Massenet ou Charles Lecocq, Charles-Marie Widor et même Pauline Viardot. La cohérence et l’unité de ce cycle s’avèrent remarquables malgré les inspirations différentes des compositeurs et les climats ainsi créés par chacun. Les textes de Stéphan Bordèse parlent de tendresse et d’une relative sérénité. Chaque mélodie apporte son écot à ce cycle collectif qui dégage beaucoup de charme et parle de Jésus qui s’achemine doucement vers sa destinée. Plusieurs mélodies, détachées par ailleurs du cycle, sont déjà parfaitement connues comme la célèbre En Prière de Gabriel Fauré ou le remarquable Pourquoi les oiseaux chantent de Théodore Dubois. Mais quel plaisir visible pour l'auditoire de découvrir La Rosée d’Henri Maréchal, mélodie toute en délicatesse ou le Non Credo de Widor.
Pour compléter le programme, les deux interprètes ont souhaité rendre hommage à la Vierge Noire de Rocamadour, ainsi qu’aux nombreux pèlerins qui viennent la vénérer, avec des mélodies de Mel Bonis -Allons prier-, Jules Massenet -Souvenez-vous Vierge Marie- et Guy Ropartz -Vierge Sainte. La soirée vient se clore sur un hommage aux célèbres sœurs Garcia, soit Maria Malibran avec Divin Sommeil, mélodie classique de forme et de ton et Pauline Viardot, Prière à la Madonne, morceau plus dramatique d’approche. Après le Cantique sur le bonheur des justes de Reynaldo Hahn, le Priez pour paix de Francis Poulenc s’imposait, lui qui devait recouvrir la foi lors de son premier séjour à Rocamadour.
L’interprétation de ce remarquable programme s’avère d’une grande tenue et souligne la musicalité attentive et contenue des deux interprètes qui jamais ne versent dans la démonstration un peu trop intensément religieuse, voire saint-sulpicienne. Non, le ton apparaît toujours parfaitement juste et naturel : il parle au cœur et à l’esprit. La voix du ténor Enguerrand de Hys se déploie avec une belle largeur, fort aisée dans les aigus et dotée d’un timbre particulièrement prenant. Il allège comme il convient dans les moments plus recueillis, tout en exploitant toutes les richesses de la mélodie qu’il interprète. Paul Beynet, fondateur avec Enguerrand de Hys et la clarinettiste Elodie Roudet du Trio Ayonis, s’avère au piano un partenaire sensible, et d’une grande dextérité. La communion musicale et interprétative des deux interprètes est ici patente. Sous le Label Rocamadour, ce programme a été enregistré en intégralité au Théâtre Impérial de Compiègne où les artistes se trouvent en résidence.
Enguerrand de Hys et Paul Beynet se produiront bien entendu, dans ce même programme de mélodies françaises, cet été au Festival de Rocamadour qui se déroulera du 15 au 26 août prochain avec en ouverture un récital d’airs sacrés et d’opéras de Roberto Alagna avec l’Orchestre Consuelo dirigé par Victor Julien-Laferrière. Il sera possible au plan vocal et entre autres, d’entendre la mezzo Lucile Richardot dans un programme de musique baroque de la Cour de Suède, Bruno De Sá dans le Stabat Mater de Pergolèse, Eva Zaïcik dans un récital de musique arménienne ou les Litanies à la Vierge Noire de Francis Poulenc avec l’Ensemble La Sportelle).