Incantations d'Avignon
L’Orchestre National Avignon-Provence emmène son public dans un voyage à travers différentes époques, porté par la plume de trois compositeurs : remontant depuis le contemporain Éric Tanguy, vers Dvořák pour la période romantique, jusqu’à l’époque de Beethoven. Violoniste de formation, le compositeur caennais Éric Tanguy inaugure la soirée avec son ouverture créée en 2002 pour l’Orchestre National de Bretagne, Incanto. Antonín Dvořák prend ensuite la relève dans une ambiance solennelle, avec ses Chants bibliques (1894), une série de dix psaumes en langue tchèque que le compositeur a mis en musique lors de son séjour aux États-Unis. Après l’entracte, l’entraînante Symphonie nº 7 de Beethoven (créée en 1813 à Vienne, avec un orchestre sous sa direction et réunissant dans ses rangs de célèbres compositeurs, tels que Salieri, Meyerbeer, Spohr ou encore Hummel).
Avant le début du concert, le chef Jean-François Verdier fait une courte présentation du programme, un avant-concert qui a lieu dans la petite Salle des Préludes de l’Opéra Grand Avignon pour les spectateurs curieux qui souhaitent en apprendre un peu plus sur les œuvres proposées. Il dirige ensuite l’Orchestre National Avignon-Provence avec une grande précision dès la première seconde. Il se montre très investi dans la musique, dynamique et détendu (semblant même danser) lors de l’ouverture d’Éric Tanguy et de la Symphonie nº7 de Beethoven, mais sait aussi imposer la solennité des Chants bibliques. Il dirige la phalange avec des mouvements ronds et aériens, fluides ou fermes en fonction des exigences de la partition. Son expression faciale discrète dénote une grande concentration, et ses gestes très parlants donnent des indications très claires, bien exécutées par les musiciens. L’Orchestre, quant à lui, produit un son imposant ou délicat, selon les exigences du chef, telle une nuée d’oiseaux : avec des mouvements très souples et subtils, mais aussi des changements d’intention rapides et des points d’arrêt clairs et élégants. Le célèbre Allegretto (deuxième mouvement de la Symphonie de Beethoven, bissé dès sa création), est interprété ici de manière particulièrement hypnotique, augmentant en intensité à chaque retour du thème.
Après un élan exigeant et vigoureux de la part de l’Orchestre, la mezzo-soprano Eugénie Joneau interprète les Chants bibliques de Dvořák. Son expression, faciale et corporelle, totalement en accord avec la solennité de l’œuvre, voit Eugénie Joneau passer d’une intention sombre, pleine d’affliction, à une autre beaucoup plus brillante et pleine d’espoir (en fonction du texte des chants). Elle interprète ces chants religieux d’une voix soyeuse et chaude, bien nuancée, accompagnée d’un joli phrasé. Ses aigus sont attaqués avec douceur, toujours ronds, tout en gardant leur placement. La prononciation de la langue de Dvořák (à en juger par l’expertise également présente dans le public) est également impeccable. Elle regarde très peu et discrètement la partition dont elle connaît bien le texte. Ses graves sont parfois étouffés par l’Orchestre, mais le public passe bien outre ce petit détail, et l’ovationne à la fin de sa présentation, la faisant revenir trois fois sur scène.
Le public, ayant apprécié le spectacle, applaudit les artistes de façon très enthousiaste pendant de longues minutes. En remerciement, le chef propose donc à cette audience enflammée l’entracte nº 3 de Rosamunde, de Franz Schubert. Il dédie ce bis et quelques mots d’affection au chef d’orchestre japonais Seiji Ozawa, tristement décédé ce 6 février 2024.