Marcelo Álvarez : rayon de soleil sur l’Opéra du Capitole
Cela faisait un bon moment que Marcelo Álvarez n’était pas venu sur Toulouse. Il a profité de la fraîcheur de l’hiver pour venir réchauffer la ville (ou du moins son théâtre) des rayons de sa voix comme de sa personnalité. Il déploie un programme relativement varié, articulant opéra français, vérisme italien, zarzuela et même du tango pour les rappels. Chaque extrait chanté alterne avec un morceau de piano (dont la Tarantella de Leoncavallo parmi les plus remarqués) pour permettre à la voix de reprendre des forces. Le programme est donc éclectique mais avec un point commun en guise de fil rouge : l’amour ! Ce soir, tous ces airs d’amour, ne sont pas pour une femme (du moins pas seulement) mais pour le public toulousain et sa maison d’opéra à qui le mythique ténor fait de nombreuses déclarations, réitérées tout au long de la soirée et en français. Il envoie même au public quelques baisers !
Dès son entrée, le corps ouvert, le pas énergique et le sourire aux lèvres, Marcelo Álvarez donne le ton avant même d’ouvrir la bouche. Le chant confirme et renforce la première impression et la chaleur de la voix englobe la salle en moins de quelques secondes. Elle rayonne d’un volume puissant tout au long du récital. Le soleil dans le larynx du ténor inonde le public d’éruptions généreuses, radiantes de vibrato et prolongées grâce à un souffle efficace. Les attaques précédant les éruptions impactent le public lors des débuts de phrases et le maintiennent en haleine tout au long du programme. Le timbre expressif se trouve toujours dans la droite lignée des ténors latins (en particulier de Pavarotti qui l’avait d’ailleurs repéré) et s’accompagne d’une gestuelle engagée par les bras et les mains notamment. Un soupçon d’accent argentin ne vient rien gâcher et s’inscrit au contraire discrètement dans la diction du chanteur. La performance est d’autant plus impressionnante que le ténor manifestement atteint par quelque maladie doit souvent dégager sa gorge voire boire une gorgée entre les strophes d’un même air. La voix est en tout cas intacte ou presque et si l’effort peut parfois se lire sur le visage, il est d’autant plus salué par le public. Même la technicité périlleuse de La Fleur que tu m'avais jetée ne pose pas le moindre problème et les sauts mélodiques sont franchis avec une habileté démonstrative.
L’accompagnement de Giulio Laguzzi mise sur la légèreté et la subtilité quitte à parfois trancher avec la générosité du chant. Son volume est modéré et le piano se dégage surtout dans la poésie des motifs, la régularité des ostinatos et des choix de tempi qui laissent le temps d’apprécier chaque note. Les deux artistes ne cachent pas leur complicité et montrent de nombreux signes d’affection tout au long du concert.
Un accordéoniste vient s’ajouter au duo pour les quelques tangos donnés en rappel dont Por una Cabeza extrait du film Tango Bar, chanson composée par Carlos Gardel qui est d’ailleurs né… à Toulouse ! Encore un petit clin d’œil pour la ville où le ténor fit ses débuts en France en Duc de Mantoue sous l’ère de Nicolas Joel et à qui il lance d‘ailleurs un bref hommage, citant notamment sa production de La Femme sans ombre reprise actuellement (notre compte-rendu) et dont les décors sont à ce moment même derrière les rideaux, comme une manière de les réunir encore une nouvelle fois.
Ce récital restera assurément dans les mémoires des auditeurs présents, certes grâce à la flamme vocale de Marcelo Álvarez et ses prouesses techniques mais aussi par la relation qu’il a réussi à nouer avec eux le temps d’une soirée. Marcelo Álvarez sait leur parler avec les bons mots mais aussi en se montrant humain et vulnérable tant physiquement qu’émotionnellement, par quelques traits d’humour (en apportant son spray nasal sur scène par exemple, ou encore à la fin de l’air de La tabernera del puerto en comparant la rougeur de son visage à celle de sa gourde rouge). Le public le lui rend bien en applaudissant chaudement entre chaque morceau, en interagissant avec le ténor lors de ses prises de paroles. Enfin deux standing ovations suivies par une large partie de la salle concluent les deux derniers rappels.
Si la séparation avant une prochaine réunion est trop dure, les spectateurs peuvent déjà se consoler avec les prochains récitals programmés au Capitole notamment celui Karine Deshayes et Florian Sempey qui prêteront leurs voix aux airs de Rossini ce 28 février et celui de Marie-Nicole Lemieux accompagnée par Daniel Blumenthal qui aura lieu le 23 mai.