Magie et enchantement en chœur, en Avignon
Suivant le thème de sa saison opératique, et comme le titre du concert l’annonce, le Chœur de l’Opéra Grand Avignon propose un programme en accord avec sa saison "Magique". Ainsi, Semele, Falstaff, mais aussi Die Wasserfee de Josef Rheinberger, Hansel et Gretel d'Humperdinck et les Djinns de Fauré, parmi d’autres, défilent sur scène par la voix des chanteurs. Les différents morceaux sont présentés par Sylvie Rogier, responsable du service animations de l’Opéra Grand Avignon, avec la touche d’humour et de légèreté qui caractérise chacune de ses interventions.
Le Chœur commence en puissance avec « Oh, terror and astonishment! » (Händel), les chanteurs produisant un son homogène, mais décoiffant. En groupe, la phalange est sonore mais bien nuancée, d'un son puissant et imposant ou délicat, selon les exigences de la partition. Les débuts et fins de phrases sont toujours très bien travaillés, avec de beaux phrasés et des points d’arrêt clairs et nets. La diction est très distincte, avec des voyelles ouvertes et des consonnes marquées sans trop forcer, donnant un texte de groupe bien articulé et compréhensible, peu importe la langue du morceau.
Certains chanteurs ont également l’honneur de chanter en solistes. Le ténor Frédéric Caussy est le premier, interprétant « Apollo comes, to relieve your care » (Händel), avec une voix claire et un vibrato rapide, mais un manque de soutien lors de ses attaques et des notes aiguës. La soprano Runpu Wang interprète « Ninfe! Elfi! Silfi! », extrait de l’acte III de Falstaff (Verdi), avec une voix ronde et un timbre un peu velouté, accompagnés d’aigus sonores, soutenus et joliment vibrés. Dans les Trois Chansons, de Ravel, et Come to me, d’Ivo Antognini, la soprano Ninon Massery pose une voix douce et cristalline qui produit des aigus brillants et qui se fond dans la masse des ensembles (mais qui ressort brillamment lors de ses solos). La mezzo-soprano Solenne Lepère a un timbre velouté et raffiné tandis que le ténor Julien Desplantes éclaire une voix lumineuse au timbre légèrement métallique, avec quelques aigus un peu difficiles. Le dernier soliste des Trois Chansons de Ravel est le baryton Linfeng Zhu, qui fait valoir, malgré quelques notes un peu basses, une voix profonde et sonore, avec une bonne projection et des voyelles qui profitent d’une bonne ouverture.
La soprano Agnès Ménard et l’alto Laura Darmon-Podevin chantent en duo « Der kleine Sandmann bin ich! », extrait d'Hänsel und Gretel (Engelbert Humperdinck). La soprano présente une voix limpide et bien projetée, avec des graves sonores et des aigus brillants. Elle se montre très à l’aise en soliste grâce à un jeu théâtral qui vient naturellement et une expression faciale très éloquente. L’alto, quant à elle, présente une voix au timbre soyeux accompagné d'un phrasé délicat, ainsi que d’une expression corporelle en complicité avec la soprano.
Le ténor Rémi Beer-Demander interprète Atys avec une voix légère, adaptée au répertoire baroque, qu’il chante en roulant les R. Sa ligne de chant accentuée et contrastée est un atout, cependant ses voyelles sont parfois un peu fermées et aplaties. Il rentre facilement dans la peau de son personnage, donnant beaucoup d’énergie au berger, ce qui lui fait parfois courir le risque de déstabiliser sa voix.
La mezzo-soprano Clélia Moreau interprète la déesse Cybèle avec une voix ronde et corsée, des aigus bien soutenus accompagnés d’un phrasé très élégant. Très à l’aise dans son rôle de soliste, sa voix se fait libre comme une respiration. Le baryton Alain Iltis et la soprano Marie Simoneau n’ont pas de solos, mais ils attirent tout de même le regard du public grâce à leur expressivité faciale constante totalement en accord avec leur texte.
En poste depuis le 1er janvier 2024, le chef de chœur franco-britannique Alan Woodbridge se montre très à l’aise lors de ce premier concert à la tête du Chœur de l’Opéra Grand Avignon. Sa direction est très claire et précise mais, tout le long du concert, il déborde d’expressivité et d’énergie. Il prend la place de la pianiste lors du duo d'Humperdinck, montrant également ses qualités de musicien, débordant d’énergie qu’il transmet à travers le piano. La pianiste Maya Berdieva accompagne sinon les chanteurs avec dextérité. Elle reste attentive au chef et aux chanteurs, se montrant très réactive au moindre geste, tour à tour discrète ou sachant s’imposer lors des passages les plus intenses du piano.
Le concert se termine avec « The teddy bears’ picnic », de John Bratton, sur un texte et un rythme entraînants, avec des effets sonores drôlatiques assumés par les chanteurs. Le public applaudit longuement les artistes et les fait revenir plusieurs fois. Après plusieurs révérences, les artistes remercient cet accueil chaleureux avec Somewhere over the rainbow en bis.