A Baroque Tenor : l’épopée d’une étoile du XVIIIe siècle
En la personne d’Annibale Fabbri, ténor du XVIIIe siècle alors célèbre pour qui ont été écrits les rôles représentés dans cet album, Marco Angioloni trouve un fil rouge évident et éloquent, en retraçant dans l’ordre chronologique les différentes étapes de la carrière de cette étoile Baroque.
Venise, Rome, Naples, Londres et Vienne, constituent les « stations » d’un voyage variant efficacement les différents caractères archétypaux de l’époque (bravoure, amour, furie…), entrecoupés de 2 Sinfonie et d’une ouverture : chaque station amène un changement de compositeur.
D’entrée, le petit orchestre baroque d’Il Groviglio marque par son énergie, sa justesse, sa précision et la finesse d’exécution de ses nuances. Épousant les affects variés des œuvres qu’il accompagne, chaque phrase musicale est dessinée et empreinte d’intention. Sachant aussi bien remplir qu’aérer le son, Il Groviglio cisèle le diamant de l’esthétique Baroque.
Les lignes de dessus sont phrasées et fluides, le continuo (clavecin, théorbe, violoncelle et parfois basson) est souple, précis et bien réalisé (l’accompagnement par la Basse Continue reposant sur une improvisation individuelle : seule la note du bas de l’accord est écrite, la réalisation du reste étant à la discrétion du continuiste).
Les introductions des airs imposent immédiatement un caractère juste et les interludes instrumentaux offrent des respirations bienvenues (par ailleurs les respirations de direction du chef et claveciniste Stéphane Fuget, présentes sur tout l’album, lui donnent comme une humanité supplémentaire).
La sinfonia de Partenope est particulièrement surprenante et captivante par l’espace de ses silences, et celle de Publio Cornelio Scipione met à l’honneur les timbres, moins entendus, du hautbois et du basson.
Marco Angioloni prête son timbre de ténor lyrique à ce répertoire exigeant, de par l’abondance de vocalises, de larges intervalles et d’un ambitus conséquent. Sa voix est claire, brillante dans certains airs. Ses voyelles sont plutôt larges, et il choisit souvent un placement plutôt nasal dans ses aigus et dans certaines de ses vocalises, particulièrement sur la voyelle « o ». Son texte est assez intelligible et il sait faire montre de nuances et d’intensité.
Cependant, la voix ne partage pas toujours l’énergie enlevée de l’orchestre, notamment dans certains airs de bravoure au tempo endiablé.
Cet enchaînement d’Arie Da Capo (avec reprise) est l’occasion de démontrer une inventivité d’ornementation et de réécriture des vocalises, ce que Marco Angioloni exécute à différents degrés selon les airs, rajoutant une dimension de surprise.
Filippo Mineccia et Michele Mignone lui donnent la réplique dans deux récitatifs (et l’accompagne aussi dans un duo dans le cas du premier), l’un de son contre-ténor affirmé et l’autre de sa voix de basse puissante et précise : variant encore les textures sonores.
L’enregistrement est de qualité : le son est cristallin et permet d’apprécier clairement les différentes tessitures de la voix de Marco Angioloni. Le placement des microphones et le mixage rendent justice aux différentes voix de l’orchestre, bien réparties dans l’espace (et notamment aux belles réalisations du théorbe).
Cet album présente ainsi un programme cohérent, diversifié et qui met en valeur un répertoire moins connu. Fort d’une approche musicologique passionnée, soutenue par une production de qualité et une formation instrumentale recherchée. A Baroque Tenor répond ainsi à son objectif annoncé : faire découvrir et mettre à l’honneur le répertoire du Ténor Baroque.