Soirée lyrique samoane et sud-africaine aux Champs-Elysées
À Paris pour préparer Beatrice di Tenda de Bellini, à l’affiche de l’Opéra Bastille le mois prochain, les frères samoans Pene et Amitai Pati s’associent avec la sud-africaine Golda Schultz pour offrir au Théâtre des Champs-Élysées un récital énergique et varié, déployant leur voix du bel canto à la comédie-musicale, mais aussi via l’opérette et jusqu’à la chanson française. Une macédoine lyrique qui ne cherche pas d’autre fil conducteur que l’amour du chant, du bon temps et du panache.
Golda Schultz rayonne par sa voix lumineuse et agile ainsi qu’un grand sourire. Son ample vibrato porte ses aigus tels des ornements, bien que parfois un peu trop pour rendre bien compréhensible son texte, surtout en français. Pleinement à l’aise dans sa tessiture en Micaëla, Juliette comme pour A Little Night Music de Stephen Sondheim, elle installe des graves tendrement savoureux et surtout des médiums rayonnants d’éloquence avec une belle touche de lumière grâce à ses aigus.
Fort applaudi dès son entrée, Pene Pati en impose par sa stature de rugbyman samoan et par une voix d’une grande clarté projetée avec autant d’aisance que de naturel apparents. Quelle que soit la langue, sa diction est impeccable et ses intentions tout aussi limpides et intenses, d’autant que sa gestuelle ajoute en présence et en expressivité. Il est rejoint par deux fois par son frère Amitai Pati pour de très touchants duos, en italien et en allemand.
Amitai Pati sait se différencier de son frère, proposant un timbre de ténor certes un peu moins présent mais avec une certaine finesse dans ses intentions et plus de légèreté. Ses phrasés font preuve d’une appréciable constance et savent offrir une certaine intensité, l’ensemble ne manquant pas de charmer le public. Toutefois, sa voix se voit malheureusement parfois couverte par l’orchestre, par sa volonté de subtilité.
Le chef Quentin Hindley semble porter une grande attention aux couleurs instrumentales, invitant les musiciens des Frivolités Parisiennes à déployer leurs palettes, par des gestes amples et tout aussi sensibles, alliant souplesse et nervosité maîtrisée. Les touches se font quasi impressionnistes (par exemple dans l’ouverture du Pardon de Ploërmel de Meyerbeer), tandis que les accents rythmés et très bien équilibrés se font entrainants et précis. Et tandis que le trio de solistes s’accroche à ses partitions pour chanter La Mer et Boum de Charles Trenet, les instrumentistes communiquent leur plaisir avec amusement.
C’est avec leurs chants traditionnels natifs que les chanteurs remercient le public, pour ses applaudissements très enthousiastes. Avec même un Haka (le lycée de Pene Pati associait la pratique du rugby avec celle de la chorale) qui déchaîne une ovation debout.
Pene Pati, Golda Schultz et Amitai Pati font danser le public à la fin d'un récital exceptionnel de maîtrise et de bonne humeur pic.twitter.com/aozTfR4VX9
— Xavier Ponterlun (@PonterluX) 8 janvier 2024