Tenebrae Choir : vive le vent à Gstaad
Le public de la petite église de Lauenen, à dix minutes de Gstaad, se presse pour ce deuxième concert vocal du Gstaad New Year Music Festival, tandis que la nuit est déjà tombée et que la lune, presque ronde, éclaire la neige au sommet des montagnes dans un magnifique paysage en clair-obscur. Après un programme russe l’été dernier à Rocamadour, le Tenebrae Choir de Nigel Short, chœur a cappella parmi les plus réputés, présente cette fois un hommage à l’hiver, dans une alternance de pièces exaltant la spiritualité du lieu dans une ambiance méditative, et des chants de Noël plus joyeux.
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Les 14 chanteurs entonnent les premières notes depuis la mezzanine qui donne accès à l’orgue. Puis, ils se répartissent en plusieurs groupes, spatialisant leurs chants, avant de se retrouver devant l’autel jusqu’à la fin du concert. Là, Nigel Short les rejoint pour les diriger, à mains nues, de petits gestes souples et précis. Les voix flûtées des sopranos y voltigent sur le tapis d’harmoniques basses, tandis que les voix médianes appuient les dissonances et déroulent le texte. Les voix s’épanouissent dans la douce acoustique du lieu au plafond de bois, générant un son enveloppant ou virevoltant comme les lumières des bougies qui éclairent la nef.
La première chose qui frappe l’esprit à l’écoute de cet ensemble est la précision de son chant : les consonnes chuintantes ou claquantes résonnent avec une simultanéité désarmante, comme s’il n’y avait qu’une seule voix. La seconde est la qualité des voix elles-mêmes : ces choristes sont en fait autant de solistes chantant ensemble. Tous sont capables de porter seuls une ligne mélodique. La basse impressionne notamment par ses voisements noirs qui font vibrer les cœurs.
Le programme fait appel à différents répertoires, anciens, traditionnels et même contemporains. Une très belle pièce est notamment composée par Owain Park, fondateur des Gesualdo Six et membre occasionnel de ces Tenebrae. Mais l’arrangement des Twelve Days of Christmas remporte un succès plus grand encore : cette comptine pour enfants, dans laquelle la même mélodie est reprise douze fois en ajoutant à chaque fois des animaux reçus en cadeau (une perdrix le premier jour, une perdrix et deux tourterelles le deuxième, etc.), trouve ici une vraie qualité musicale, ainsi qu’une bonne dose d’humour « british », les chanteurs ponctuant petit à petit leur chant de cris tout droit venus d’une ménagerie : le chef Nigel Short se tourne alors vers le public, l’air de n’y rien comprendre, avec toutefois un sourire complice qui ravit le public. Les chanteurs eux-mêmes, dont les visages étaient si fermés par la concentration au début de la chanson, dévoilent petit à petit des mines réjouies.
À la demande du chœur, le public n’applaudit pas entre les pièces, laissant s’installer cette ambiance inspirante dans les résonances du silence si propice au chant a cappella. C’est donc à l’issue du dernier morceau que le public remercie les artistes avec enthousiasme. La suite du programme du Festival reste riche et prestigieuse, puisque sont notamment attendus Sonya Yoncheva, Lisette Oropesa, Ludovic Tézier, Roberto Alagna, Fatma Saïd, Francesco Meli et Erwin Schrott.