Nabucco et Muti à Ravenne
Après l’enthousiasme de la première soirée avec Norma (notre compte-rendu), et avant un Gala Verdi, le maestro Riccardo Muti poursuit les festivités lyriques à l’italienne, au Théâtre Alighieri de Ravenne. Comme pour Norma, ce Nabucco permet de respecter le vœu du chef d’orchestre de ne plus diriger d’opéras mis en scène, tout en proposant une scénographie du plateau, en vidéo. L’artiste visuel Svccy propose ici des images projetées sur trois écrans (encadrant le plateau en fond et murs de scène), figurant des décors très explicites, la plupart inspirés d’œuvres du musée archéologique de Berlin (où se trouve une importante collection d’artefacts et monuments babyloniens, telle la remarquable Porte d'Ishtar). Les autres décors en vidéo suivent également l’histoire de cet opéra, en faisant référence au temple de Jérusalem. Ces images permettant de situer l’action des scènes, sont amplifiées par les animations du programmateur visuel Davide Broccoli et les effets de lumières signées Eva Bruno. Comme la veille, l’expressivité des musiciens n’est en rien gênée par ces animations.
Cette trilogie est une nouvelle occasion pour le maestro (âgé de 82 printemps) de mettre à l’honneur la jeunesse, celle de cet orchestre qu’il a fondé, celle de solistes aussi, y compris dans un rôle aussi périlleux que celui d’Abigaïlle. Lidia Fridman en offre une démonstration grâce à d’impressionnants graves et des aigus éclatants, saisissant aussi d’agilité à travers sa tessiture au timbre aussi chatoyant que précis. La technique saura sans doute laisser plus de place à l’émotion y compris pour cette terrible princesse-esclave.
Nabucco est doté du timbre noir et puissant de Serban Vasile, soutenant une présence royale, à laquelle il sait tout aussi bien conférer de la retenue et des intentions soignées. Son intensité expressive reçoit de justes applaudissements du public. Tout autant surélevé derrière l’orchestre, le noble et autoritaire Zaccaria est incarné par Evgeny Stavinsky. Sa voix puissante parvient à préserver le moelleux de son timbre jusque dans ses aigus et sa largesse de ligne n’entraîne ni ralentissement du phrasé, ni aucun obstacle dans son élocution.
Le fougueux Ismaël prend les traits du ténor Riccardo Rados, profitant de sa palette de couleurs vocales et de son intense projection. La captive Fenena a la voix soyeuse de Francesca Di Sauro, équilibrant -avec une tendre luminosité- ses intentions subtiles et sa présence mesurée. Adriano Gramigni en Grand prêtre de Belos fait entendre une voix autoritaire et pleinement présente. L’auditoire apprécie également les interventions de Vittoria Magnarello en Anna, d’une voix légère et fraîche (un peu impressionnée), et de Giacomo Leone en Abdallo dont la présence sûre porte un timbre vaillant.
Le Chœur du Théâtre municipal de Piacenza ne manque pas non plus de vaillance avec plusieurs interventions chaleureusement récompensées par la joie des spectateurs. Chaque pupitre manifeste son travail de précision (notamment dans les pupitres graves), au service de la puissance comme de touchantes couleurs. Les applaudissements se font particulièrement longs et reconnaissants après le célèbre “Va, pensiero”, offert dans toute la finesse d’une tendre prière (malheureusement, la note finale est superbement suspendue… jusqu’à 18h pile, où retentit triomphalement l’alarme d’un téléphone programmé pour ce moment-là).
L’Orchestre de jeunes Luigi Cherubini affiche un niveau très élevé et surtout très homogène, agile et sonore. Quelques rares écarts de tempo se font certes entendre, mais ce sont autant d’occasions de les voir immédiatement rattrapés, d’un seul regard du chef. Riccardo Muti montre sa coutumière efficacité de direction, d'une gestuelle presque minimaliste pour mieux se concentrer sur le moindre bruit sur scène (ou dans la salle) : il sait exactement quel geste est nécessaire, dans quelle mesure, et même quand ne pas diriger (comme c'est le cas lors de la Marche funèbre).
Le public, visiblement ému et transporté, applaudit longuement et avec effervescence l’ensemble des artistes menés par Riccardo Muti.
Uno sguardo dal Teatro Alighieri dove in questi giorni sono in corso le prove della nostra "Trilogia d'Autunno", Prima opera svelata in prova, Nabucco, qui un assaggio visivo :) Sabato si alza il sipario! 16-22 dicembre Norma, Nabucco, Gala Verdiano diretti dal @MaestroMuti pic.twitter.com/U8U4Htv0WY
— Ravenna Festival (@ravennafestival) 13 décembre 2023