Ferveur de Nativité avec l’Oratorio de Noël à BOZAR
L'œuvre de Johann Sebastian Bach s'illustre notamment dans le domaine sacré à travers deux Passions conservées et trois oratorios : ceux de Pâques, de l'Ascension et de Noël. Ce dernier rassemble six cantates dans sa forme intégrale, totalisant une durée de 2 heures et demie. C'est pourquoi, de manière traditionnelle, lors des concerts, une sélection de trois cantates est interprétée. Il y a huit ans, Masaaki Suzuki et les phalanges of the Age of Enlightenment avaient mémorablement présenté les trois premières cantates lors d'une représentation à BOZAR. Ils reviennent aujourd'hui avec la cantate inaugurale suivie des deux dernières.
Compte-tenu de ce choix, la narration se déroule autour des trois tableaux que sont la naissance du Christ, l’arrivée des Rois Mages à Jérusalem et leur adoration. Offrant une scène de nativité en pleine période de l’avent, la magie de Noël est présentée avec ferveur, servie par un orchestre en pleine dévotion sous la conduite d’un chef-ambassadeur de la musique ancienne (il a fondé et dirige le Bach Collegium Japan, mais également le “département de musique ancienne” dans la faculté de la capitale nippone). Sa direction élégante et retenue fait briller la partition. Très autonome, l’ensemble londonien fonctionne pourtant sans chef principal attitré, mais il tient sous cette conduite la cadence enlevée de la partition avec beaucoup de légèreté, rendue impalpable. Le clavecin est tenu par la touche très fine de Satoko Doi-Luck, soutenant une grande clarté des instruments en général. Chaque musicien se distingue par sa maîtrise, au service du propos global et de l’opus.
Hugh Cutting tient sa voix de contre-ténor haute, brillante et dorée. Les notes sont servies enveloppées et chaleureuses. Généreux avec un vibrato serré, le chanteur s’impose avec prestance, la prosodie appuyée de la langue allemande au service de la partition et d’une ferveur certaine.
Guy Cutting et sa voix de ténor marque son interprétation par une justesse narrative. Enlevée, rythmée, la langue de Bach est limpide, le rendu vocal profond se faisant travail de patience, maintenu en élévation.
Jessica Cale propose un rendu solaire de la partition. Empreinte d’un chromatisme brillant, riche et acidulé, la soprano galloise vient apporter le reflet coloré nécessaire à la distribution. Similaire à l’effet d’un glacis, sa voix ajoute à la scène musicale un vernis qui souligne sa profondeur lumineuse, tenue par un vibrato serré et une ornementation ondulatoire.
Florian Störtz et sa voix de (baryton-)basse ajoute une énergie sombre à la distribution. Plus appuyée, la diction cerne puissamment le texte et les autres voix solistes, avec autorité.
Les Chœurs of the Age of Enlightenment, reconnus pour les formations de solistes de leurs membres, rendent la puissance vocale fidèle et très sculptée de cette musique. Les voix féminines offrent une puissance éthérée des aigus, limpides, tandis que les voix masculines viennent enrichir et modeler la forme plus ronde et creusée des chœurs.
Invité à la l’exaltation par la qualité de la soirée, le public de la Salle Henry Le Bœuf offre un accueil également enthousiaste aux solistes et instrumentistes : une ovation debout pendant de longues minutes, dans une salle comble. Bach réussit encore à réunir un public varié.