Julie Roset et François Lazarevitch, “sweet birds” au TCE
Le programme « Sweet bird » présente un panel d’œuvres de Haendel (airs d’opéra, cantate, concerto grosso, concerto pour flûte à bec) permettant au public d’apprécier le talent du maître dans des registres très divers. Les sweet birds se taisant la nuit, le concert a donc lieu en matinée, ce qui facilite la venue d’un public de jeunes oisillons au Théâtre des Champs-Élysées, auditoire réceptif (à quelques gazouillis près) aux pièces chamarrées présentées.
Sur le thème des oiseaux et en imitation, la soprano et les flûtes dialoguent, rivalisant de trilles, de mordants et moult ornements agrémentant leur chant. Dans l’air « Sweet bird » (qui a donné le nom au programme) la flûte traversière d'alors (traverso) se fait tourterelle dans un roucoulement suave alors que dans la cantate Augeletti che cantate la flûte piccolo évoque le chant strident de la fauvette.
Cependant, nul besoin d’oiseaux pour que la flûte et la voix s’entendent et l’air extrait de Rodelinda (« Ombre, piante, urne funeste ») les unissent dans la plainte et les pleurs (Rodelinda se recueille sur la tombe de son mari qu’elle croit mort). Dans la cantate Tra le fiamme, si deux flûtes à bec sont présentes, la voix dialogue véritablement avec la viole de gambe qui évoque à force d’arpèges les flammes et le pouvoir dévastateur du feu.
La soprano Julie Roset, qui vient de remporter le 1er prix féminin d’opéra du Concours Operalia, exulte d’entrée dans l’air « Tornami a vagheggiar » extrait d’Alcina, les vocalises fusant dans une aisance vertigineuse. L’aisance réside également dans sa façon d’orner les Da Capo (reprises), la priorité étant donnée aux aigus dans des envolées spectaculaires. Son émission précautionneuse préserve toute la délicatesse du timbre et elle évoque la langueur de l’attente amoureuse (« Augelletti che cantate » extrait de Rinaldo) en étirant les sons qui s’ornent d’une vibration chaleureuse. Si la clarté et la précision caractérisent la voix de la jeune soprano, la projection semble cependant restreinte dans le médium, et les flammes évoquées dans la cantate Tra le fiamme peinent à s’animer tant l’écriture demeure centrale. Elle exprime la colère de la femme trahie (en Dalinda d’Ariodante) en provoquant le registre de poitrine, l’intensité demeurant cependant mesurée.
François Lazarevitch exprime sa joie de se produire pour la première fois au Théâtre des Champs-Élysées avec son ensemble Les Musiciens de Saint-Julien qu’il dirige quand il ne joue pas de ses flûtes. Le traverso suave, la flûte à bec alto virtuose ou le piccolo festif déploient une palette de couleurs variée selon les pièces interprétées et l’expertise du flûtiste demeure au service d’une musicalité inspirée. L’ensemble instrumental apparaît dans une cohésion sonore et musicale remarquée particulièrement dans le Concerto grosso en mi mineur et François Lazarevitch est secondé avec brillance par le flûtiste et hautboïste Francesco Intrieri.
Les applaudissements du public, bien que matinaux, n’en demeurent pas moins chaleureux et les artistes se rassemblent pour un bis : une ballade anglaise du XVIIème siècle extraite de l’album The Queen's Delight : « Drive the cold winter away »… (Éloigner le froid hiver). « On ne sait jamais ! » déclare malicieusement le flûtiste.