Sobre Oratorio de Haendel à BOZAR
La fin de l’année approchant, revient la tradition des Oratorios sacrés : l’Oratorio de Noël de Bach et bien évidemment le plus célèbre d’entre eux, Le Messie de Haendel (qui est également régulièrement joué à l’approche de Pâques, la période pour laquelle fut écrit cet opus culminant avec la Résurrection du Christ, et le fameux “Alleluia”).
Pourtant, c’est une vision concentrée de la partition que propose ici la direction musicale emmenée par Ian Page, l’amplitude naissant naturellement et sobrement dans la souplesse.
Devant l’orgue de la Salle Henry Le Bœuf, l’orchestre encadre avec attention le directeur musical qui mise décidément sur la pudeur sonore. Ian Page privilégie une version plus intime de la formation avec une trentaine de musiciens, s’appuyant sur les cordes et un rythme savamment soutenu, plutôt qu’une démonstration de puissance (éloignant les comparaisons qui sont faites entre cette œuvre et la grande Passion selon Saint Matthieu de Bach) : une forme de minimalisme, comme franciscain, se fait fidèle à la densité narrative de la partition, et des paroles christiques.
Le résultat n’en est que plus proche du public tenu en haleine dès les premiers mouvements jusqu'à l’Amen d’apothéose.
D’égalité avec l’orchestre, le Chœur de chambre de Namur s'applique avec expressivité et équilibre. Les voix féminines se font fluides, limpides et très claires grâce à l’appui des graves des voix masculines, plus sombres et puissantes. L’ensemble qui chantait l’année dernière Mozart à BOZAR confirme ici avec ce Messie ses qualités d’équilibre entre générosité et tenue sobre de la voix.
La distribution des solistes n’est pas en reste. Malgré une concentration palpable entre eux jusqu’à la froideur, chacun déploie sa voix, assumant l’hétérogénéité. La soprano Sandrine Piau témoigne d’une versatilité remarquée. Modelant ses vibratos avec finesse et légèreté, les mélodies semblent flotter, aériennes, légèrement soufflées sur l’attaque avant de s’étoffer avec une couleur plus profonde. Sa grande expressivité se modèle dans une démonstration progressive de puissance, en conservant toute la brillance des notes qu’elle offre.
Plus en retrait sur la première partie, Patrick Grahl témoigne d’une certaine austérité et d’un minimalisme qui se réchauffe par la suite. Tempéré, calme et sans prise de risque, la prise de voix du ténor réclamerait une vélocité plus affirmée dans les ascensions qui semblent finalement plus timides. Le ténor reste cependant concentré et s'assure une voix constante au service de la partition. La ligne est patiente, naturelle et au service d’un narratif apprécié.
Véloce et expressif, le baryton Johannes Weisser détonne parmi la distribution. Prêt à en découdre, remonté de véhémence, le chanteur apporte un souffle d’énergie radical en première ligne des solistes. En dialogue avec ses acolytes, il réussit à dessiner sa ligne vocale avec de belles vibrations sombres, appuyées et variantes, dans un charisme remarqué.
Véritable cœur des solistes, le contre-ténor Benjamin Williamson marque son intervention par une finesse et une grande sensibilité. Discret au point de réclamer une attention particulière du public, le contre-ténor semble tenir sa voix à la façon d’un instrument, marquant une égalité totale avec l’orchestre. Limpide, stable et presque laiteuse, la voix du contre-ténor tient les vibratos serrés et la ligne aérienne, touchant l’auditoire en plein cœur.
L’accueil particulièrement chaleureux du public bruxellois témoigne combien il est heureux d’avoir assisté à une représentation bien spécifique du Messie d’Haendel : en formation à taille humaine, l’identité religieuse et musicale de l’opus ne s’en trouve que magnifiée.
This evening, our wonderful Conductor and Artistic Director @IanPageMozart conducts Handel's 'Messiah' in BOZAR, Brussels, with the incredible soprano Sandrine Piau. Enjoy this stunning extract from when we had the pleasure of working with Sandrine just over 10 years ago! pic.twitter.com/V6XXiFVCWy
— The Mozartists (@TheMozartists) 12 novembre 2023