Poulenc comme à la maison à La Criée de Marseille
À l'occasion des 60 ans de la disparition de Francis Poulenc, le Théâtre de La Criée à Marseille a convié les mélomanes à venir rendre hommage au compositeur et à sa musique. Si l'intitulé du concert, Poulenc en famille, ne laisse guère de doute quant au public visé, il résume également l'esprit de la programmation, qui montre comment le compositeur a investi le cadre familial : duos intimistes à jouer avec ses proches ou entre amis, mélodies à fredonner au coin du feu, histoire du soir avant d'aller dormir...
Dans le salon de Francis Poulenc
Olivier Bellamy, hôte pour la soirée, introduit quelques-uns de ces moments privilégiés, servis par des interprètes prestigieux : la soprano Dame Felicity Lott, la flûtiste Juliette Hurel, le hautboïste Armel Descotte et le clarinettiste Amaury Viduvier trouvent en la personne du pianiste Ismaël Margain un partenaire à toute épreuve.
Juliette Hurel et Ismaël Margain servent en ouverture du concert la Sonate pour flûte et piano. Les deux complices s'entendent à merveille pour rendre à l'œuvre toute sa profondeur et sa diversité, du mélancolique deuxième mouvement à l'impétueux finale, auquel ils savent donner un caractère particulièrement espiègle.
Cette Sonate, symbole du compositeur au sommet de son art et de sa célébrité, est mise en regard de ses deux œuvres ultimes (créées après sa mort). La Sonate pour hautbois et piano est interprétée par Armel Descotte et Ismaël Margain, qui pourrait incarner ici Francis Poulenc en gardien bienveillant au piano, tout comme dans la Sonate pour clarinette et piano avec Amaury Viduvier, impressionnant d'aisance dans cette œuvre pourtant très difficile.
Chantons avec Poulenc
Dame Felicity Lott fait l'honneur d'interpréter quelques-unes de ses mélodies préférées du maître. La Dame de Monte-Carlo, sur un texte de Jean Cocteau, des extraits des Banalités, sur des textes de Guillaume Apollinaire (Voyage à Paris, Hôtel), Montparnasse également d'Apollinaire et À sa guitare, sur un texte de Ronsard sont chantées en alternance avec les œuvres instrumentales.
La diva Britannique touche par l'intensité de son interprétation. Elle semble véritablement vivre les textes, dans ce répertoire qu'elle connaît si bien, toujours servie par une diction impeccable. Si la voix, au timbre toujours clair, peut manquer de puissance ou de soutien dans l'aigu, parfois légèrement éclipsée par le piano, la soprano use de son expérience avec une grande habileté pour composer avec ces difficultés et rester juste dans son interprétation. Elle peut aussi compter en cela sur le soutien indéfectible d'Ismaël Margain, qu'elle remercie chaleureusement sur scène.
Raconte-nous une histoire !
Avant d'aller dormir, avec assurément de beaux rêves en perspective, l’inénarrable François Morel vient conter L'Histoire de Babar, le petit éléphant (sur le texte de Jean de Brunhoff), mise en musique par Francis Poulenc. Il s'appuie pour la partie musicale sur Ismaël Margain, avec justesse et maîtrise, décidément infatigable. Petits et grands enfants sont emportés par la voix de François Morel dans l'univers du conte, tantôt triste, tantôt drôle, toujours émouvant.
Devant les applaudissements nourris du public visiblement conquis, Felicity Lott interprète en rappel une autre mélodie de Poulenc, Les Chemins de l’amour (sur un texte de Jean Anouilh), comme une métaphore de cette soirée dédiée à la famille et aux liens affectifs qui la font.