Vivaldi de chœur (et d’esprit) par Ghislieri
Le Coro et Orchestra Ghislieri, ensemble résidant du Centro di Musica Antica della Fondazione Ghislieri de Pavie est réputé pour sa qualité et passion pour le patrimoine historique musical, avec une inclination de son directeur pour le répertoire vocal italien du XVIIIème siècle. Suivant le modèle original des grandes cappelle musicale de l’époque, l’ensemble redonne vie aux piliers du répertoire baroque avec une dévotion maîtresse.
Fidèles aux œuvres de Vivaldi, le sacré est exprimé en la grande Salle Henry Le Bœuf entre grands classiques et redécouvertes. Le public retrouve ainsi Magnificat, Confitebor tibi Domine et le Sanctorum meritis. Mais Vivaldi (1678-1741), pourtant réputé pour sa touche virtuose reconnaissable entre tous, continue de surprendre. En 2005, musiciens et historiens décident ainsi d’ajouter au catalogue du compositeur baroque le Dixit Dominus RV 807 (anciennement attribué à Baldassare Galuppi), tandis que le motet Vos Invito, barbarae faces a été redécouvert en 2008 dans la bibliothèque communale d’Assise.
Débutant sur le Dixit Dominus, l’ensemble vocal et musical est d’abord rassemblé en compagnie de cinq solistes afin d’ouvrir le concert sur une passion dense, chatoyante et virtuose du “prete rosso” (Prêtre roux). Enlevé et exaltant, l’orchestre répond avec complicité et précision au directeur musical. Le faste des chapelles vénitiennes du XVIIIème siècle répond à la laïcité de la Salle Henry Le Bœuf, portée par la vibration des instruments anciens, précis, en sonorité spontanée.
La distribution des solistes répond de vivacité à l’orchestre et aux chœurs avec une complémentarité remarquée. Tenant la ligne musicale altière et élégante, Carlotta Colombo élève sa voix en astre solaire et lyrique. Les lignes vocales sont dessinées avec une lumière certaine, généreuse, ronde et ouverte. Les ornementations s’accordent avec la dynamique d’orchestre, en une voix de patience, étirant la ligne avec une légère retenue au service du solo de soprano. Marta Redaelli s’accorde en duo de soprano, la voix d’une lumière complémentaire, plus chaude et cuivrée.
Plus ombrée, la voix boisée de la soliste contralto Maria Margherita Sala s’impose au sein de la distribution. Naturelle et puissante, la spontanéité vocale se traduit dans une facilité déconcertante d’interprétation. Les solos figurent l’évolution vocale, du véloce et féroce jusqu’à l’intime, soufflé et chuchoté (alliant la finesse du répertoire baroque avec une puissance d’interprétation vocale plus opératique).
Valerio Contaldo marque sa présence vocale par une ligne franche et une vélocité appuyée, n’altérant cependant pas son travail d’ornementation et le résultat vibrant et léger. Le ténor Massimo Lombardi accorde sa voix plus métallique et claire en duo ainsi qu’avec l’Orchestre Ghislieri. Apparition éclaire, la basse Alessandro Ravasio vient ponctuer de grave le Confitebor tibi Domine en une ligne généreuse, enrobée et très expressive.
Afin de répondre à l’accueil chaleureux du public, Giulio Prandi offre en guise de conclusion le Gloria in excelsis Deo. Les accords du compositeur, démonstration matricielle et architecturale, résonnent avec les propos du chef : « Encore une fois, la démonstration que Vivaldi est capable, avec les mêmes briques, de construire des maisons très différentes ».