Organisé sous le commissariat de Lionel Meunier, chanteur basse et directeur de l’ensemble Vox Luminis, le festival met à l’honneur la dimension méditative de la voix autour d’opus anciens mais également contemporains avec le compositeur en résidence, David Lang.

L’ensemble Vox Clamantis, fondé en 1996, réunit donc ici ses 15 voix au service des partitions de David Lang et Arvo Pärt. Le concert de clôture du Festival fait ainsi honneur au programme passé et de l'année présente, un dialogue entre l’américain David Lang (présent en salle) et le compositeur estonien Arvo Pärt, qui partage ses origines avec l’ensemble Vox Clamantis, sous la direction de Jaan-Eik Tulve. 

Le programme est à la mesure mystique des compositeurs, présentant notamment une pièce commandée à David Lang par Flagey en 2021 et une sélection de pièces d’Arvo Pärt. Les 15 chanteurs, également instrumentistes pour trois d’entre eux (violon alto, violoncelle et percussions), allient la maîtrise du chant religieux grégorien et la qualité d’interprétation de la partition contemporaine, restant totalement au service de l’humilité et du temps suspendu : l’ensemble réussit à inviter une part de mystique dans l’espace laïc du Studio 4. 

Musique d’équilibre où chacun s’écoute et s’accorde à l’autre, Just (bande originale du film Youth) marque l’ouverture de ce concert avec un minimalisme des plus ardus. La partition s’impose fédératrice par son propre dépouillement, chacune des solistes (3 femmes) soutenant les regards avec concentration. Le silence agit d’une force égale à la voix des interprètes. Dans cette diffusion sonore totale, le public semble arraché à la réalité, n’arrivant pas à applaudir une fois Just terminé. 

Face aux lignes vocales de l’ensemble, l’auditoire s’efface, ne laissant que les craquements de fauteuils et quelques toux timides perturber la concentration générale. L’ambiance est au silence, le “chant lexical” tournant autour des silences mystiques et religieux offerts par Vox Clamantis (inspiré d’un terme biblique, Vox Clamantis signifie « La voix de celui qui crie dans le désert »). Ici, ces voix sont plurielles et chantent dans un silence qui répond avec sagesse aux bruits du quotidien. 

Ce thème mystique prend tout son sens avec les partitions d’Arvo Pärt, constituées sur la musique traditionnelle religieuse et scandées avec une modernité acoustique mais qui rappelle presque des boîtes à rythmes vocales. Tenant les lignes de fond de O Holy Father Nicholas, Pray to God for Us, les voix féminines s’imposent en écho cristallin, tandis que les voix masculines bâtissent une architecture solide et profonde, élevée vers le divin. L’équilibre est total sous la direction de Jaan-Eik Tulve, maître du temps et des voix, dont l’austérité de direction est visible, les gestes étant calculés : tout semble reposer sur les échanges de regards. 

Autre moment-clé du récital, We Were de David Lang est présenté à Flagey qui l'a commandé il y a deux années (avec New York, Los Angeles, Vienne et Philadelphie). La pièce rassemble les musiciens en une formation particulière : 9 chanteurs solistes (hommes et femmes) au centre, entourant Jaan-Eik Tulve, tandis que deux satellites composés chacun de trois solistes femmes viennent porter une résonance à l’ensemble. Les mélodies claires et limpides semblent lointaines, soutenues par une force sombre et modelée des 9 chanteurs de cœur.

En conclusion de concert, l’ensemble rend hommage au chant traditionnel estonien, dont la rythmie cyclique invite à une dernière concentration avant que le public ne brise le silence pour acclamer l’ensemble.