Quatre siècles de pénitences dans la Basilique de Vézelay
« Pénitence », un titre annonciateur d’un concert empreint de gravité, à la hauteur de ce qu’il promet. Bien que séparés par quatre siècles, Lassus et Pärt se rejoignent ce soir sur le thème de la repentance abordé dans les deux modèles de polyphonies interprétées – des extraits des Psalmi Davidis pœnitentiales (1584) et du Kanon Pokajanen (1997), le premier en latin et le second en slavon ecclésiastique, puisqu’inspiré de la musique liturgique orthodoxe. Deux modèles en miroir non seulement dans les sujets, mais aussi dans la composition, par des écritures analogues abordant le texte avant tout en tant que parole déclamée, au service du sens sacré de l’écriture. Ainsi intercalées, les deux œuvres forment un contraste plus par la langue, que par le fond ou la forme.
Au service du chant sacré, La Cappella Amsterdam déploie des trésors de précision, menée par la conduite mathématique du chef de chœur Daniel Reuss. Parfaitement rythmées, les voix se superposent avec équilibre, magnifiant ainsi les contrastes entre les échos cristallins des sopranos, pleins de lumière, et les graves profonds des basses qui tapissent la Basilique, en particulier dans les œuvres de Pärt qui les mettent souvent en valeur.
Toutes ensemble, les voix n’en forment plus qu’une seule, sans toutefois perdre leur équilibre, mais explosant d’intensité, imposantes de gravité dans les deux œuvres. La clarté dans la reddition du texte est aussi bien notable en latin qu’en slavon, dont les sonorités résonnent en clair-obscur dans l’édifice.
Malgré la solennité pesante des deux œuvres, le public remercie de nombreux applaudissements les interprètes, en particulier après les œuvres de Pärt (trouvant parfois celles de Lassus un peu longues et trop répétitives, d’autant plus que cette répétition est caractéristique des Psalmi)… Pendant les applaudissements, les chanteurs retrouvent petit à petit le sourire et, après réflexion, Daniel Reuss envisage finalement un bis, reprenant le « Prayer after the Canon » qui clôt le Kanon Pokajanen de Pärt – avec légèrement moins de sérieux cependant. À nouveau, les applaudissements retentissent avant que, le concert achevé, le public retrouve l’air frais et la nuit étoilée de Vézelay.