Axelle Fanyo, Bozar intime-éclectique
En une heure de temps, le programme emporte l’auditoire dans un vaste voyage de temps et d’espace invitant à la fois aux ambiances de Cabarets Parisiens et new yorkais, aux services spirituels du chant Gospel et au cœur du chant contemporain a cappella.
Rassemblé en petit comité (200 personnes, soit un dixième de la capacité de cette grande Salle Henry Le Bœuf), le public est invité par le personnel à se placer dans les premiers rangs pour une ambiance plus intime. Ce concert du dimanche matin s’approche ainsi d’un “Cabaret Diurne” (plutôt que nocturne) et même si le programme n’est pas spécifiquement destiné au jeune public, la soprano, consciente de son auditoire varié, s’adresse aux petits comme aux grands, dans la clarté de son interprétation, entre nostalgie franco-américaine, classique, jazz et gospel.
Le programme se déploie ainsi sur des mélodies françaises de Kurt Weill et des Lieder de Schönberg aux teintes de boudoirs, sculptant une tendance jazzy avec George Gershwin (The Man I love) et William Bolcom (Cabaret songs).
Durant tout le tour de chant, Kunal Lahiry au clavier, toujours précis et véloce, s’accorde à la fluidité de la soliste. La variation des registres ne présente aucune difficulté pour le pianiste qui reste complice.
La voix d’Axelle Fanyo rappelle combien cabaret et opéra (mais aussi jazz, gospel et création) ne sont pas incompatibles. Son chant s’appuie sur son soutien lyrique, puissant et résonnant, aussi bien que sur une prosodie « A la Piaf ». Les “r” sont roulés et vibrants, emportant une voix lancinante de conteuse au tempo de tango lent. Le regard complice, la chanteuse apostrophe le public, la voix aussi fluide que la Seine -en amont- dont elle chante La Complainte, signée Kurt Weill.
Axelle Fanyo semble se jouer des registres, osant passer du chant de Lieder à la composition contemporaine avec Entre les miroirs de Sofia Avramidou, pièce a cappella et en percussions corporelles. Frappant les poings sur son buste, claquant des doigts ou tapant les doigts sur ses joues, la chanteuse (se) plonge dans une ligne musicale instinctive. Percussive à la manière de Bobby McFerrin, le chant étiré et scandé de Meredith Monk rejoint étonnement le chant traditionnel grec qu’elle présente d’abord au public médusé.
La soliste allie coordination et souffle impressionnant, incarnation concentrée et sensible, ligne emphatique et techniquement agile sur les difficultés d'intonation, grave et profonde ou lumineuse et acidulée, flamboyante et charmeuse. En revanche, l’incarnation se fait sombre et puissante sur Sometimes I feel like a motherless child, negro spiritual ou The Negro Speaks of Rivers de Margaret Bonds. Concentrée et très sensible, la ligne vocale d’Axelle Fanyo témoigne d’une grande maîtrise, incarnant avec complexité les partitions mais également les sujets qu’elle chante.
Graves et profondes à la mesure de sa voix, les tragédies viennent s’éclairer par certaines lignes plus lumineuses et acidulées que la chanteuse sait offrir au public belge, complice et chaleureux.