Jordi Savall et Mendelssohn, Alpes et Manche à la Philharmonie de Paris
La Symphonie n°4 plonge d'emblée dans l'allégresse de couleurs vives et colorées. Les aigus brillent, les timbres éblouissent même sous un rythme soutenu. L'élan dansant (Saltarello) sait aussi se faire subtil et mener tout en délicatesse vers l'entracte, puis le voyage à travers les Alpes et la Manche. Vient alors Le Songe d’une nuit d'été, musique de scène de Mendelssohn, pour un texte parlé donc, celui de Shakespeare, ici traduit en français par Jean-Michel Déprats, alternant avec les chants en allemand.
Les voix -exclusivement- féminines du chœur La Capella Nacional de Catalunya (dix-sept chanteuses) incarnent des elfes, en vêtements noirs uniquement relevés d’un léger foulard jaune disposé différemment pour chacune, et se déplaçant pieds nus à travers les rangs des musiciens. Leurs timbres se déploient dans une grande harmonie et résonnent avec l’acoustique, renforçant l’idée du conte féerique. Bien qu’elles soient nombreuses, elles ne forment qu’un dans le développement sonore grâce à une synchronisation et une précision constantes.
La soprano Flore Van Meerssche se détache en Première Fée, la seule à ne pas porter la même tenue que ses congénères elfiques (elle est habillée d’une robe bleue nuit). Vocalement, son timbre lyrique-léger se déploie sur un souffle facile. La seconde fée, elfe mezzo pour sa part, Diana Haller marque un chant plus granuleux et ambré, mais nullement sombre pour autant. La ligne et la portée vocale sont soutenues avec vigueur.
Lina Tur Bonet, premier violon, prend plaisir à jouer et ne s’en cache pas. L’expressivité est au rendez-vous et la communication/communion avec les autres musiciens ne manque pas. Faisant preuve d’une grande souplesse dans les différents modes de jeu abordés, autant à l’archet qu’aux pizzicati, elle montre sa connaissance assumée du répertoire romantique, se démarquant sans pourtant vouloir prendre le dessus dans sa brillance.
La musique semble imprégner le corps entier de Jordi Savall, qui dirige de tout son être, jusqu'aux élans de sursauts. Chaque départ est donné, chaque détail est conduit dans une précision qui se maintient tout du long. L'intensité de cette direction permet aux palettes de nuances de passer du piano au fortissimo en un rien de temps, alternant ainsi les passages d'effervescence musicale à des moments d’intimité profonde (dans un esprit tout à fait Shakespearien).
Les acteurs incarnant les différents personnages de la pièce (Padrig Vion, Hermine Dos Santos, Mikael-Don Giancarli, Alexandre Gonin, Eva Lallier Juan et Olenka Ilunga) sous la direction artistique de Margaux Chatelier arborent des tenues plus modernes. Les déclamations (sonorisées à l’aide de microphones discrets posés sur la joue) sont assez claires dans cette généreuse acoustique qui leur demande de bien marquer leur prononciation. Le fait qu’ils gardent toutefois leur texte en main et que les déplacements soient restreints par l'occupation du plateau, entraîne une certaine distance avec l'œuvre et le public. Pourtant, leurs attributions de rôles et de caractères restent clairs, le jeu d’acteur de chacun permettant de les situer distinctement.
Le public accueille la prestation des artistes sous une pluie d’applaudissements, Mendelssohn sous le prisme de Jordi Savall réjouissant petits et grands dans une atmosphère féerique.