Emilia Bertolini lauréate du Concours Corneille
Le Concours Corneille, qui se tient dans la chapelle du même nom à Rouen, mené sous l’égide du Poème Harmonique de Vincent Dumestre, a rendu son verdict. Après deux tours de qualification, seuls quatre candidats restaient en lice pour la finale : trois sopranos et un ténor. Chacun présentait deux airs puisés dans le répertoire baroque, l’un en français (trois ont choisi Rameau et un Gluck) et un en italien (deux ont choisi le même air de Vivaldi, les deux autres Haendel et Cavalli).
Les chanteurs sont accompagnés par six musiciens du Poème Harmonique, dont Emmanuel Resche-Caserta, le premier violon solo des Arts Florissants, récemment auteur d’un livre d’entretiens dédié à William Christie. Cet ensemble offre un accompagnement vif et fin, et un continuo attentif. Dans le « In furore » de Vivaldi, ils se penchent en avant, courbés sur leurs instruments, pour imprimer la fureur du tempo, adaptant leur interprétation à chacune des deux cantatrices qui le proposent.
Dans une compétition au niveau homogène, la soprano suisse Yerin Mira est étonnamment la seule des quatre finalistes à ne remporter aucun prix. Il n’est pourtant pas inutile de retenir son nom car elle connaîtra sans nul doute d’autres succès. Le sourire aux lèvres dans son éclatante robe rouge, elle apporte un grain de Folie (extrait de Platée) d’une voix fine et souple dont elle varie les couleurs jusque dans des graves épais. Son léger vibrato s’inscrit dans un phrasé nimbé d’une certaine tendresse. Charismatique, elle se montre engagée théâtralement, notamment dans le récitatif de son air d’Ercole Amante.
Le bien nommé Richard Pittsinger rentrera aux Etats-Unis avec deux prix dans sa besace : le prix jeunes talents ex-aequo et le prix du public. Son timbre très clair et soyeux, son vibrato vif et léger, n’y sont probablement pas pour rien. Son chant reste constamment délicat et évanescent, presque religieux, qu’il interprète Alcina de Haendel ou Pygmalion de Rameau.
Sans doute la soprano anglo-australienne Lauren Lodge-Campbell, titulaire du deuxième prix, aurait-elle remporté le concours si elle n’avait pas dû s’interrompre et reprendre son premier air. Cette ancienne du Jardin des Voix (où elle a sans doute côtoyé Emmanuel Resche-Caserta) garde malgré tout toute son assurance et son sourire aux lèvres, pour aller chercher ce prix. Elle charme alors par sa facilité dans les vocalises, son timbre chaud et fruité, et son regard intense et captivant.
C’est donc la soprano australienne Emilia Bertolini qui remporte le premier prix (ainsi que le prix Jeunes talents ex-aequo). Son indéniable « Riante jeunesse » (Les Fêtes d’Hébé) aura donc séduit le jury, tout comme sa voix tranchante, bien émise, ou ses vocalises bien détachées. Cependant, son interprétation manque parfois de relief, son chant restant détaché, presque scolaire.
C’est après une longue délibération que le jury présidé par la soprano Karina Gauvin, et notamment composé de Vincent Dumestre, de Claude Cortese (prochain directeur de l’Opéra de Lausanne) ou encore de David Théodoridès (Directeur du Festival de Saintes), rend son verdict. Après quoi, la sénatrice de la Seine-Maritime, Catherine Morin-Desailly, décore le claveciniste et chef d’orchestre Skip Sempé, récemment naturalisé français, de la médaille de l’ordre des Arts et des Lettres.