Les Pêcheurs de perles : exotique ouverture de saison au Capitole
Les Pêcheurs de perles, opéra de jeunesse de Bizet, donnent l’occasion d’explorer pleinement l’exotisme d’un Ceylan romancé, et rehaussé de couleurs et de danses dans cette nouvelle production signée du metteur en scène et chorégraphe Thomas Lebrun (fortement soutenue par les costumes de David Belugou). Le rideau à peine levé, quelques « Wow » exclamatifs s’élèvent même du public face à la mosaïque multicolore qui se dévoile sous leurs yeux. Tous les choristes du Capitole sont revêtus de tenues traditionnelles Sri Lankaises et la palette des couleurs vives est presque intégralement représentée sur scène, le tout agrémenté de nombreuses étoffes dorées, de perles brillantes, de couvre-chefs imposants…
Le décor (par Antoine Fontaine) consiste en lui-même d’une vue sur la mer, un ciel azuré s’étendant à l’horizon. La scène est encadrée de palmiers, et des constructions et plateformes en bois exotique permettent d’exploiter différents niveaux de hauteur. De larges monceaux de bois reposent sur un côté de la scène, qui serviront de bûcher lors du dénouement final. Si la base reste la même, les actes suivants voient les structures changer de place, une tente être posée pour Zurga.
À cette force visuelle s’ajoutent les interventions quasi-permanentes du Ballet de l’Opéra national du Capitole (sous la direction de Beate Vollack), rehaussant encore le tableau en mélangeant les esthétiques du ballet et de la danse traditionnelle indienne (le tout en costumes traditionnels également) : tantôt de véritables numéros de danses, des chorégraphies diverses ou des pantomimes illustrant le récit, toujours exécutées avec prestance et précision (certains épisodes chorégraphiques s’apprécieront toutefois plus encore en étant à l’orchestre bien en face de la scène, particulièrement les figures d’inspiration indienne).
Les lumières de Patrick Méeüs éclairent l’ampleur du plateau, comme l’arrivée de Leïla, où son costume de voiles bleues est magnifié par des teintes sombres de la même couleur, tableau onirique pour « voici la déesse ».
Leïla, la jeune prêtresse de Brahma est incarnée par Anne-Catherine Gillet. Elle marque par la prestance et la dignité de son entrée, moment fort de la mise en scène. Sa voix est puissante, chaleureuse et sonore avec un vibrato marqué. Elle sait faire preuve d’une grande finesse vocale et de précision dans son élocution comme dans ses vocalises. À l’aise scéniquement, elle s'affirme davantage dans ses confrontations avec Zurga que dans la partie plus ingénue du rôle.
Alexandre Duhamel, habitué du rôle de Zurga, incarne naturellement l’autorité du personnage. Précis et crédible dans ses intentions scéniques, il est pleinement intelligible. Sa voix puissante n’a aucun mal à passer l’orchestre, la ligne vocale est maîtrisée. Jouant généralement plutôt dans le registre forte, il laisse découvrir des piani touchants et particulièrement colorés dans le IIIe acte, et rend crédible aussi bien l’autorité calme que les crises de jalousie de Zurga ainsi que sa rédemption finale.
Le “coureur des bois” Nadir est incarné par Mathias Vidal avec la finesse et la sensibilité musicale de ses piani. Son timbre est élégant, sa voix est sonore dans les aigus mais peut parfois manquer de volume dans les médiums graves, avec un vibrato présent. Sa romance « Je crois entendre encore » est délicate, douce, trop même par rapport à l’orchestre pourtant pianissimo. Sa voix se déploie sinon dans les ensembles qui jouissent globalement de l’équilibre vocal.
Autorité et force de caractère définissent bien l’incarnation du grand prêtre Nourabad par Jean-Fernand Setti. Dominant la scène par sa hauteur, son costume rouge et rosé aux épaulettes immenses, son visage maquillé de vert et son large sceptre, sa puissante voix de basse fixe immédiatement la force et l’ascendant de son personnage. Pleinement intelligible, sa ligne vocale passe aisément d’une forme de brutalité intimidante à une prestance calme et digne.
L’Orchestre national du Capitole est dirigé par Victorien Vanoosten, à la battue particulièrement dynamique, tantôt ronde, bondissante puis fine et sensible, mais toujours avec une grande énergie. Les richesses de la partition de Bizet sont rendues dans les alternances entre des couleurs très claires à l’image de fanfares populaires agrémentées de vents, ainsi que dans les sombres et menaçants présages de l’orage et de la mort, aidés par les contrebasses et violoncelles.
Le Chœur de l’Opéra national du Capitole (dirigé par Gabriel Bourgoin) brille par l’éclat des costumes étincelants comme de leurs voix forte, dans les prières à Brahma, profondément épiques sur fond d’orage. Si les passages de dictions rapides peuvent manquer un peu de précision, la présence scénique, alliant mouvements de foule et forces vocales contribue à ce grand souffle de vie qu'est l’œuvre de Bizet.
Cette version des Pêcheurs de perles joue ainsi des potentielles forces de l’œuvre : la beauté et les contrastes de sa musique et l’exotisme vibrant de son contexte. Ce voyage visuel et musical multicolore est salué par les applaudissements généreux du public.