Contemplation avec Tenebrae à la Cathédrale de Besançon
Le public attend avec beaucoup d’avance -témoignant déjà une forme de ferveur- l’ensemble vocal anglais Tenebrae (neuf hommes et dix femmes), dirigé par Nigel Short. Le programme annonce “A Hymn to Heavenly Beauty” (Un Hymne à la Beauté Paradisiaque) et propose un immense parcours, suivant la musique religieuse à travers les pays et les siècles.
La Cathédrale s’éteint de l’intérieur, ne laissant plus qu’un éclairage sur la façade du Chœur, et la surprise de voir l’espace destiné à l’ensemble rester vide au début du concert. Du silence émergent enfin les premières voix d’une mélodie continue au niveau du centre gauche des travées, donnant alors l’impression que le chant vient des entrailles de cet édifice, du fait de la réverbération particulière de la Cathédrale (dotée de deux chœurs se faisant face l’un à l’autre). Ce premier chant latin de la renaissance espagnole (probablement pas un clin d'œil à l’appartenance supposée de la ville de Besançon à la couronne espagnole au XVIIe siècle), cède la place aux Burial Sentences d’après une musique d’Henry Purcell. Latin et Angleterre se mêlent avec Thomas Tallis, avant un retour dans son sanctuaire italien avec Antonio Lotti et Gregorio Allegri. Ainsi se poursuit ce voyage sacré, sacré voyage jusqu'à la Russie et de nouveau l'Angleterre du XXe siècle (avec Alexander Sheremetiev, puis Gustav Holst).
Les voix servent avec richesse toute la diversité de ces répertoires : emplissant l’espace de leurs plénitudes sans vibrato, envoûtant jusqu’au decrescendo, se reconfigurant dans des chœurs et double-chœurs (faisant dialoguer longue prière chantée et sonorité cristalline), alliant puissance et précision, résonances et obsession du détail.
Ce voyage à travers les lieux, les siècles, et les sonorités se poursuit et se déploie à l’image de la profondeur des basses qui se creuse encore et toujours, et de la puissance des aigus poitrinés aux ténors, tandis que les voix féminines se répartissent, s’échangent, dialoguent, semblant varier comme par magie.
Après un léger flottement d’hésitation, le public applaudit très fort, se met debout, crie bravo durant plusieurs minutes pour recevoir en bis le Locus Iste de Bruckner, avant de sortir heureux de ce concert qui débutait pourtant dans l'obscurité des musiques de funérailles.