Chemin des miracles en musique, de Vézelay à Compostelle
Cette 23ème édition des Rencontres Musicales de Vézelay met tout particulièrement à l’honneur la musique anglaise, et Vézelay (avec la Via Lemovicensis) étant de surcroît l'un des quatre points de départs principaux pour le Chemin de Compostelle, sa Basilique accueille comme une double évidence l’ensemble vocal anglais Tenebrae Choir dirigé par Nigel Short pour interpréter Path of Miracles (Le Chemin des miracles) du compositeur britannique né en 1971, Joby Talbot. Cette pièce pour 17 voix plonge l’auditeur dans l’expérience unique du pèlerin, chacun des quatre mouvements marquant les importantes étapes du dernier tronçon, le Camino Frances (Roncesvalles et le récit du martyr Jacques, Burgos étape charnière, León et la lumière baignant sa cathédrale, avant la joie débordante d'arriver à Santiago de Compostela).
Joby Talbot, plus connu pour son travail dans la pop (résonnant tout à fait avec cette édition de Vézelay, dans le vent) ou la musique de film, rappelle ici sa grande connaissance de la voix, avec une palette de timbres et de techniques particulièrement riche, le tout dans le cadre d'une écriture fort aboutie. La structure de son œuvre s'affirme tout en évoluant pour accompagner l'auditeur-pèlerin sur le chemin de motifs inspirés, exposés puis transformés progressivement par des procédés de répétition ou d’enrichissement rythmique ou harmonique. Ce travail et sa richesse frappent dès l’ouverture : les hommes réunis en cercle sur la scène utilisent le Pasibutbut, pratique vocale d’une tribu aborigène taïwanaise, faisant mystique de la richesse sonore et harmonique. A l’image de la marche longue et souvent éprouvante, la répétition lancinante se fait figurale, voire hypnotisante, jusqu’à devenir plénitude dans le tout dernier mouvement.
Le Tenebrae Choir profite pleinement des résonances de la Basilique Sainte-Marie-Madeleine avec de nombreux passages spatialisés. Qu’ils aillent derrière le public ou en procession, leur précision reste identique, le son riche même dans les attaques. Les polyrythmies sont limpides, la justesse parfaite (seulement aidée par quelques rares coups de clochettes, dans cette partition aux couleurs aussi puissantes que redoutables). L’harmonie se fait ainsi véritablement texture, matière émotionnelle presque palpable, jusque dans le long silence qui clôt l’œuvre.
La Basilique reste emplie de cette musique, les cœurs des auditeurs festivaliers emplis d'émotions leur inspirent une acclamation debout et enthousiaste.
