Portrait musical œcuménique de William Byrd à Vézelay
Dans une époque et un royaume, celle et celui de la reine Élisabeth Ire marqués par les conflits religieux entre protestants et catholiques, William Byrd exprime sa liberté, par sa conversion au catholicisme et par la musique qu’il compose.
Le programme de ce concert sous les peintures murales du XVIe siècle de l'Église Saint-Germain-d'Auxerre de Vault-de-Lugny, dessine ainsi un portrait musical du compositeur mêlant œuvres instrumentales (longtemps fort peu goûtées du Vatican qui souffrait la musique à condition qu’elle serve la parole de l’Évangile) et vocales, en latin (point de schisme avec les protestants dont un geste fondateur fut justement de traduire les textes en langue vernaculaire : celle de chacun et de chaque pays).
Robin Pharo et son ensemble Près de votre oreille soulignent par leur interprétation combien la musique polyphonique de cette époque entre Renaissance et Baroque est l’art de faire entendre les parties -vocales comme instrumentales- à la fois de manière plénipotentiaire, tout en partageant une direction commune. La Missa a 4 est ainsi portée par quatre voix chantées concordantes qui répondent justement à ces exigences en montrant des intentions mutuelles dans l’interprétation.
La mezzo-soprano Anaïs Bertrand apporte une douce lumière par ses aigus, soutenue par la voix discrète mais liante du contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Dijan. Le ténor Martial Pauliat montre une sensibilité bien dosée avec un soin du phrasé aux côtés de la voix sûre et profonde de Romain Dayez.
L’enchevêtrement des parties était déjà à l’époque considéré comme une potentielle source de confusion dans l’intelligibilité du texte. Un équilibre plus limpide des parties, notamment de leurs entrées en imitation, aurait de fait pu accompagner davantage la compréhension du discours et mettre ainsi en pleine lumière l’orfèvrerie de cette écriture. La justesse des parties a cappella est parfois un rien flottante mais les lignes sont le plus souvent soutenues par les instrumentistes.
D’un timbre velouté dans les médium-graves, la mezzo-soprano Anaïs Bertrand interprète en soliste la tendre et touchante élégie de Byrd "Ye Sacred Muses" à la mémoire de son maître, Thomas Tallis : pièce en anglais donc, mais en hommage à l'organiste qui demeura fervent catholique quoiqu'organiste et compositeur d'Henry VIII l'initiateur de l'anglicanisme (le compositeur ayant donc dû de facto adapter son répertoire). Là encore, une présence plus affirmée aurait sans doute porté encore davantage en émotion.
Le consort de quatre violes mené par Robin Pharo accompagné par Ronan Khalil à l’orgue ou au virginal (petit clavier à cordes pincées) selon les œuvres fait notamment entendre l'élégante Pavane Sir William Petre dédiée au protecteur de Byrd, où les phrasés se répondent telles des caresses avec des couleurs expressives et un souffle agréablement conduit. Le motet If ye love me, keep my commandments de Thomas Tallis termine ce programme avec la simplicité de ses belles intentions.
Cette 23ème édition des Rencontres Musicales de Vézelay s’étant mise aux couleurs de l’Angleterre, par ce programme entre autres dont également l’œuvre des Beatles (lire The Beatles experiment in Vézelay sur Classykêo), c’est avec un arrangement particulièrement efficace du Because de John Lennon et Paul McCartney, où les pizzicati des violes répondent aux phrasés sensibles des chanteurs, que les musiciens remercient en bis les applaudissements du public.