Embar(o)quement immédiat avec Les Fous Divertissants
Le programme met à l’honneur les compositeurs baroques Marc-Antoine Charpentier et Guillaume Bouzignac, mêlant spiritualité profonde et drame théâtral. Le concert dirigé par Mathilde Piganeau au clavier s’articule ainsi autour de la passion, dans un lyrisme décuplé par la singularité du lieu où il s’exprime : la rotonde intimiste du Château de l’Hermitage. Une passion double, qui se détache en deux parties car, comme l’explique la directrice artistique, la passion c’est “l’horreur, la cruauté, tout ce qu’il y a de pire sur Terre”, mais c’est aussi “se transcender vers l’amour du Ciel”. C’est pourtant dans un ordre inverse (du Ciel en passant par la Terre mais jusqu’aux Enfers) que se déroule ce parcours artistique, fort heureusement guidé par Yannick Lemaire (directeur artistique du festival) qui éclaire le public en lui donnant explications et contextualisation -pour ce concert comme pour les autres.
C’est donc avec cette idée de transcendance que la première partie chante (avec l’Ecce festivitas amoris de Bouzignac) la fête et l’amour du Christ, figure intermédiaire entre Ciel et Terre. Si l’ensemble vocal est harmonieux quoique légèrement hésitant au départ, la force des solistes se distingue par la suite dans des duos de Charpentier, tel celui avec Fanny Valentin (haut-dessus à la voix claire) et Cécile Dalmon (bas-dessus d’une douceur perçante dans son incarnation de l’ange Gabriel) ou encore la voix de Cyrille Lerouge (haute-contre haut en couleurs) alliée à celle de François Joron (taille à l’aisance saisissante). Les notes, après avoir roulé sur la coupole de la rotonde, reviennent aux oreilles du public épaté. Les silences abrupts font éclater les reprises, et les instruments accompagnent sobrement les solistes en s’associant avec subtilité à leur voix.
Benoît Descamps dévoile pour sa part une basse solide et assurée qui prend plus de place lors de la deuxième partie. Cette deuxième partie plonge alors en effet dans une obscurité plaintive, malgré laquelle la dynamique Mathilde Piganeau continue de guider l’Ensemble de son regard rassurant. Cette suite, plus sombre, n’en est pas moins spectaculaire. Au contraire, les voix semblent parfois se transformer en cris, précédant les invitations aux pleurs. La puissance des solistes est à son paroxysme lors des protestations du Reniement de Saint Pierre (Charpentier), qu’incarne Cyrille Lerouge, d’une voix riche et généreusement projetée.
Le concert se conclut dans cet élan intense, dénué finalement de toute hésitation dans le plein potentiel de pièces pleinement entonnées et qui ne manquent pas d’étourdir le public fort satisfait.