Recréation de la Cantate en mémoire de Maria Malibran au Festival Rossini
Cantatrice franco-espagnole née à Paris et issue de la plus illustre famille lyrique du début du XIXe siècle (fille de Manuel García et sœur ainée de Pauline Viardot), María-Felicia García dite La Malibran est une figure majeure de l’univers rossinien. Installée avec sa famille à Naples dès 1811, son père Manuel fut un ami proche du compositeur et le créateur du rôle du Comte Almaviva dans Le Barbier de Séville (en 1816 à Rome), la suite de sa carrière étant notamment marquée par des rôles dans Semiramide, Otello, ou encore La Cenerentola (parmi d’autres).
La Malibran inscrivit pour sa part sa légende, entre autres en sauvant de la faillite un théâtre vénitien où elle donna un concert de charité : depuis ce jour, l'édifice porte le nom de Teatro Malibran, aujourd’hui la deuxième maison de La Fenice. Sa mort à Manchester en 1836 fut un coup de tonnerre dans le monde lyrique, et dès l’année suivante tout le Gotha de l’opéra italien se réunissait à La Scala de Milan pour rendre hommage à la diva du XIXe siècle. Une Cantate fut donnée en sa mémoire, signée par plusieurs compositeurs, sur des textes d’Antonio Piazza. Le Rossini Opera Festival, fidèle à sa tradition de redécouvertes, redonne vie à cette Cantate dans le cadre du programme Rossinimania, avec six jeunes chanteurs, anciens de l’Académie maison.
Le concert a lieu dans la deuxième salle du Festival de cette année (le Teatro Rossini étant fermé pour des travaux), le Teatro Sperimentale, à quelques pas de la Casa Rossini (maison de naissance du compositeur - aujourd’hui musée/galerie). L’acoustique du lieu est quelque peu mate et blanchit les couleurs orchestrales de l'Orchestre Philharmonique Gioachino Rossini (sous la baguette de Diego Ceretta) qui ne peut pas déployer tout son potentiel sonore. L'ouverture est une Sinfonia de Donizetti, d’un ton sombre et funèbre qui marque d’emblée l’ambiance de l’événement. Puis, se déploient les univers lyriques qui ont marqué la carrière de Malibran : airs bel canto aux fioritures vocalisantes, cavatines, drame poignant. Premier violon (Ana Julia Badia Feria) et premier violoncelle (Antonio D’Antonio) se distinguent par leur virtuosité et leur précision, les bois par leur lyrisme et un éventail de nuances. Le Chœur du Teatro della Fortuna se présente brièvement et, malgré un chant compact et harmonieux, ils ne sont pas très audibles du fond de la scène (et derrière l’orchestre).
La soprano Giuliana Gianfaldoni propose une voix charnue et vigoureuse qui se projette loin dans la salle. Elle atteint les suraigus avec justesse, mais l’articulation n’est pas entièrement convaincante et le vibrato s’avère intense. Son homologue Lyaila Alamanova contraste par sa voix légère et irradiante, la projection étant droite et le phrasé tendre. Son italien est solide et précis, tout comme l’intonation. La mezzo Shachar Lavi montre un haut degré d’élasticité vocale, le chant s'avérant enjoué et la prosodie expressive. Le son est aérien et le timbre boisé baigne dans les graves, nourris et suaves.
Côté masculins, le ténor Dave Monaco chante avec une couleur solaire et un phrasé belcantiste, sa prononciation étant claire et impeccable. La voix est résonnante, la projection droite et puissante. Michael Mofidian fait résonner son baryton-basse touffu, avec clarté et justesse. Parfois il suramplifie le volume avec des aigus forcés en voix pleine, au détriment de l’expression qui perd du relief. La voix est d’ailleurs bien articulée et énergique. Giorgi Manoshvili chante haut (quoique grave) et fort, avec grande rondeur, l'étoffe de l'assise s'effilant toutefois dans les cimes. La prononciation est stable, même si son volume imposant éclipse ses collègues, avec un vibrato intensifié.
Le concert se termine sur les notes solennelles de l’orchestre tout entier, avant de longs applaudissements adressés aux solistes, rappelés à plusieurs reprises.