La Chapelle Harmonique débute à La Chaise-Dieu par Le Messie
"Valentin Tournet et La Chapelle Harmonique font partie des nombreux artistes qui feront leurs débuts au Festival cette année, et c’est un choix fort de leur confier une lecture d’un monument comme Le Messie de Haendel, qui dénote la volonté de les faire entrer dans l’histoire du Festival par la grande porte." C'est ainsi que le nouveau Directeur des lieux, Boris Blanco, nous présentait cette soirée en interview. Et effectivement, après une version encore marquée par les contraintes sanitaires au Festival de Saint-Denis 2021, Le Messie retrouve un plein épanouissement sous les voûtes de l’Abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu. Toutefois, avec son ensemble instrumental à la composante réduite et une masse chorale peu nombreuse mais intégrant les solistes qui viennent tour à tour interpréter auprès du chef leurs morceaux, l’approche du jeune directeur musical s’éloigne sans ambiguïté des versions pléthoriques antérieures. Dans ce néanmoins vaste et imposant édifice, la résultante pourra apparaître un peu trop ténue selon les passages et les (emplacements des) auditeurs, la dynamique d’ensemble manquant d’allant et de générosité. Valentin Tournet privilégie de fait les ambiances intimes aux éclats vigoureux. Pour autant, la conviction du chef s’impose notamment par sa recherche de la simplicité et de l’émotion loin de toute théâtralité. Sa direction se veut à la fois précise et incisive, attentive aux phrasés et aux réactions de ses musiciens désormais bien rodés. Le Chœur de La Chapelle Harmonique suit à la lettre les indications de Valentin Tournet, donnant notamment une interprétation vibrante du très fameux Alleluia! qui sera même repris avec l’appui du public en guise de bis.
Côté solistes, la soprano britannique Ruby Hughes réitère son emploi de sons fixes, quelquefois un rien abrupts même, la voix au timbre lumineux manquant d’harmoniques et de couleurs (tandis que la vocalise révèle une souplesse somme toute relative). À ses côtés, l’alto (contre-ténor) Alex Potter sait rendre séduisante une voix à l’ambitus tout relatif, mais au phrasé délicat et au registre de tête maîtrisé. Son interprétation du “He was Despised“ (Il fut dédaigné), touche droit au but émotionnel. Le ténor Valerio Contaldo assure avec vaillance et assurance sa partie, favorisant les couleurs et donnant à toutes ses interventions une juste mesure. Il sait varier son chant et lui conférer nuances et richesses. La basse fort solide et au timbre très intense de Stephan MacLeod s’adapte aisément à toutes les situations. La voix sonne avec intempérance à certains moments (The trumpet shall sound), pour ensuite se plier avec une suavité particulière aux passages nécessitant plus de profondeur et de retenue.
Le public manifeste sa forte appréciation de cette soirée, inaugurale in loco pour cet ensemble aujourd’hui bien ancré dans le paysage baroque français et assurément appelé à poursuivre sa route, ailleurs ainsi qu’ici.