Serena Sáenz et Jonah Hoskins lancent le bouquet final du festival Peralada
Le ténor Xabier Anduaga ayant dû se désister pour raisons de santé à trois jours de ce concert, un substitut a rapidement dû être désigné. Ce sera Jonah Hoskins, âgé 27 ans, lauréat de plusieurs prix mais encore largement inconnu du public européen. C’est lui qui ouvre le récital avec une pièce particulièrement difficile : « Ah mes amis quel jour de fête ! » de La Fille du Régiment de Gaetano Donizetti, l’aria aux neuf contre-ut. Le jeune américain s’en acquitte avec brio, ponctuant même la cadence de deux percées au contre-ré. Ce ne sera pas la seule pièce virtuose qu’il aura à exécuter. Il enchaîne, quelques morceaux plus tard, avec « Cessa di più resistere » du Barbier de Séville. Son timbre est flamboyant et sa diction du français et de l’italien très correcte. Il pose un vibrato serré, agréable et émouvant.
Son jeu de scène est plus timoré que celui de sa partenaire Serena Sáenz. Celle-ci brille d’entrée sur un air de Manon de Massenet, avant d’entonner l’air de la folie de Lucia di Lammermoor (dont elle ne chante que la première partie). Sa voix est satinée, dotée d’une médium riche et d’une ouverture lumineuse dans l’aigu. Sa ligne vocale est précise, bien que perdant parfois un peu de sa netteté dans les graves. Enfin, elle montre une aisance évidente sur scène, souriante, cabotine, jouant de l’éventail sur l’un de ses airs de zarzuela. Elle donne l’impression d’être sereine, à l’image de son prénom.
En matière de virtuosité, le pianiste Maciej Pikulski n’est pas en reste, avec deux pièces de Franz Liszt particulièrement ardues. Sur la paraphrase de Rigoletto, il dépose avec sérieux son jeu fourmillant de notes, tantôt mordantes, tantôt feutrées, dans un lyrisme imitant avec soin les accents de la voix humaine. Il joue ensuite le Miserere (avec paraphrase du Trouvère), qui trouve justement sa place dans l’acoustique solennelle de l’église du Carmen.
Cette acoustique si particulière du lieu (qui n’est pas la salle habituelle : l’auditorium du Château de Peralada est en travaux) n’a cependant pas toujours mis les artistes à leur avantage tout au long du festival. La forte réverbération a rendu peu audibles les vocalises rapides à la fin de l’air « Cessa di più resistere », pourtant maîtrisées par le chanteur. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la seconde partie de l’air de Lucia a été retranchée. Cela a certainement influé sur le chant, obligeant les interprètes à limiter l’ampleur de leur voix. Mais que l’on se rassure : tous s’en sont très bien acquittés.
Finalement, peu de changements auront été apportés à ce programme. Seules quelques pièces en espagnol pour voix de ténor ont été changées. Pour le bis final, Sàenz et Hoskins reviennent sur scène, une flûte de champagne à la main, pour entonner le brindisi de La Traviata. Un morceau peut-être un peu convenu, mais que le public ne manque pas d’applaudir avec entrain, et une sympathie pour le jeune ténor, qui préfère s’aider de sa partition.