Amour et vie avec Diana Damrau et Nicolas Testé à Peralada
Le couple lyrique offre en cette deuxième soirée du Festival Perelada un récital d'airs principalement romantiques : un tour d'Europe en moins de deux heures, en français, italien, allemand, russe et anglais. Diana Damrau ouvre le concert avec les mélodies d'Henri Duparc, une bien-nommée "Invitation au voyage" douce et élégante, d'un français soigné mais pas toujours nettement perceptible. Les Lieder de Strauss sont sa terre d’asile, notamment la berceuse (Wiegenlied), comble de tendresse (et de prosodie allemande, claire et impeccable), entonnée avec souplesse. Les airs en russe s'avèrent moins solides et expressifs, la prononciation étant brumeuse. La partie belcantiste du concert est énergique et ancrée dans le drame, mais le phrasé manque de délicatesse notamment dans le "Casta Diva".
Nicolas Testé présente une ligne étoffée et un timbre velouté, très puissant dans l'émission assez dramatique, notamment dans l'air de La Joconde ("Qui chiamata m'avete?") ou dans Don Carlo ("Ella giammai m'amò") où les graves creusent leur profondeur sombre et charnue, teintés d'un legato de soie dans le tempo lent. Les aigus sont cependant à la peine au fil de la soirée, trop poussés et manquant de finesse dans la finition (y compris dans l'air d'Onéguine, dont la musicalité rivalise avec le soin envers la langue russe). La voix de poitrine est souveraine et projetée loin, mais savamment dosée dans cet espace acoustique d’église, très résonant. La prosodie française est naturelle et modèle ("Sous les pieds d'une femme" de La Reine de Saba de Gounod), le phrasé placé stylistiquement.
Le pianiste Helmut Deutsch prouve encore et toujours sa maîtrise intemporelle, de son instrument et du genre lyrique. Le toucher est tendre et finement mesuré, transportant le public dans les rêveries intimes des mélodies françaises avec sa manière de "chanter" au piano. Le contrôle du son est absolu, sans jamais basculer dans les réverbérations lorsqu'il appuie fort les accords dramatiques et intenses (traduisant ce que jouent les tutti de l'orchestre). Sa délicatesse musicale éclipse parfois même les chanteurs, notamment l'introduction du "Casta Diva" dont la musicalité exquise représente un summum de l’art pianistique.
Le concert s'achève sur des airs d'opérette, légers et fort appréciés par le public qui se lève et applaudit longtemps les artistes.