Mélodies et cabaret avec Cyrielle Ndjiki Nya et Kaoli Ono au Festival de Montpellier
Alors que l’été caniculaire règne sur Montpellier, la salle Pasteur du Corum offre un répit à l’heure la plus chaude du jour. Le public est venu assez nombreux pour assister au récital « chansons de cabaret » donné par Cyrielle Ndjiki Nya et Kaoli Ono. L’intitulé ne décrit pas tout à fait le programme du concert, en deux parties. Seule la seconde est consacrée au répertoire de cabaret, avec les quatre « Cabaret Songs » de Benjamin Britten et les trois délicieuses pièces de William Bolcom dont le « Toothbrush Time » (« l’heure de se brosser les dents »), plein d’humour, très applaudi et réclamé en bis à la fin du concert.
Auparavant, Cyrielle Ndjiki Nya aura chanté quatre mélodies de Rachmaninov, d’une voix riche qui sied à ce répertoire romantique tardif. Le médium est flamboyant, le grave large et sonore. Le timbre résonnant bas est amplifié dans le masque et ne devient ni mat, ni engorgé. Quelques aigus sonnent un peu tendus à l’attaque, mais parfaitement justes, et elle prend soin de les soutenir. Ses attaques de notes sont par ailleurs toujours d’une grande précision. Elle met la même ardeur et la même application à chanter les mélodies de Duparc et Chausson, dont elle fait admirablement vivre et ressentir les textes. Le public apprécie particulièrement son Invitation au voyage, également réclamé et rejoué en bis.
Entre Rachmaninov et les pièces françaises, Kaoli Ono fait entendre l’une de ses compositions, sur un texte de Marguerite Yourcenar « Ceux qui nous attendaient ». La pièce déploie une émotion poignante, qui mobilise toute l’étendue du piano jusqu’à l’extrême aigu, ainsi qu’une bonne partie du spectre vocal pour la chanteuse. Une phrase évoquant la Mort est prononcée dans le grave sur un parlato monodique. Sur les autres morceaux, l'auditoire peut apprécier son sens de l’écoute, tout dévolu au chant de sa partenaire et ne manquant pas de lâcher ses touches des yeux pour l’observer sur le ritenuto (passage où la mélodie doit être ralentie par rapport au tempo). Son jeu est souple, d’une agilité remarquée notamment sur le Prélude n°1 de George Gershwin, servant de préambule à la seconde partie du récital, consacrée aux fameuses chansons de cabaret.
C’est alors que transparaît la complicité entre les deux interprètes. Cyrielle Ndjiki Nya explore un autre registre de sa voix, plus en avant, avec moins de vibrato. Elle articule les consonnes, ce qui ne manque pas de produire un accent « frenchy », bien pardonnable au demeurant. Elle reprend un instant ses accents lyriques sur le déchirant crescendo du « Funeral blues » de Britten (aussi connu sous le titre « Stop all the clocks », sur un poème de W. H. Auden rendu célèbre par le film Quatre mariages et un enterrement).
Le public se lève en plusieurs lieux de la salle pour applaudir ce récital, qui correspond à merveille avec la nouvelle édition du Festival Radio France Occitanie Montpellier, célébrant la jeunesse et l’éclectique musical.