Les femmes rendent hommage aux femmes au 51ème Festival de Musique d'Istanbul
“They Have Waited Long Enough” (elles ont attendu assez longtemps) : tel est le titre de ce programme-projet, qui remet à l’honneur “des Histoires de femmes du cœur de l’Anatolie”.
Ce concert se propose comme une création en trois (ou plutôt trois créations en une) : trois pièces, composées par Meriç Artac, Kate Moore, et Aida Shirazi, chacune dédiée à une femme Turque : à Şahmeran (femme-serpent mythologique), Kassia (compositrice byzantine du IXe siècle) et Suat Derviş (femme de lettres et politique du XXe siècle).
Les chants sont en anglais (Ece Temelkuran est créditée du livret), cela étant, la présentation et les explications sont uniquement en turc, tout comme le programme distribué, et le réseau téléphonique étant inexistant au fond de cette cave, le public non-turcophone est comme invité à solliciter de bonnes âmes locales pour comprendre de quoi il s’agit.
Dans le cadre fascinant de cette Citerne Basilique d’Istanbul, les instruments résonnent sur les murs ancestraux de la caverne humide illuminée d’ocre et décorée de sculptures.
Le quatuor à cordes Nemeth (formation classique avec deux violons, alto et violoncelle) répond à la voix de la soprano Katharine Dain dans un jeu délicat plongeant le public dans une ambiance 2001, l'Odyssée de l'espace mais où cet espace insondable serait celui du souterrain. Un petit instrument à cordes frottées, le "kemençe" joué par Elif Canfeza Gündüz apporte la couleur traditionnelle à la composition contemporaine, faisant résonner les notes conclusives de la soprano.
La soprano Katharine Dain saisit le public avec sa voix précise et pleine de vie. Malgré quelques soucis techniques de microphone, sa prononciation au timbre clair permet d’apprécier grandement la prestation, tout comme son ambitus étendu s’appuie sur un souffle nourri (même amplifié) pour incarner les œuvres au programme.
Un autre instrument traditionnel, le qanun (cithare à cordes pincées) joué par Esra Berkman prend le relai du mélange entre traditionnel et contemporain. Le désormais quintette féminin de cordes fait preuve d'une grande application dans son interprétation, bien qu’une forme de timidité, avec un son en retrait s’explique probablement par la générosité de l’acoustique et de l’amplification.
Raphaëla Danksagmüller complète le tableau des solistes invitées, prenant le devant de la scène au duduk (hautbois), évoquant le désert des émotions et le désespoir amoureux en un hymne à la mort. Les mélodies envoûtantes de l’instrument transportent le public dans un voyage captivant, durant une soirée très applaudie.